mercredi 30 avril 2025

Cervelet – Contrôle de l'Équilibre et Découverte de Nouvelles Fonctions



Bien que notre cervelet (en beige) représente seulement 10% du volume de notre cerveau,
 il concentre la majorité de ses neurones


Le cervelet – qui signifie “petit cerveau” en latin – est situé à l’arrière même de notre crâne. Il est bien plus important qu’on l’a longtemps cru : il ne gère pas seulement nos mouvements, mais les associe à nos émotions et régule nos interactions sociales. Il contient les trois quarts de tous les neurones du cerveau – 50.000 millions –. Ils y sont organisés de manière presque cristalline, avec une régularité et un ordonnancement qui contrastent avec l’enchevêtrement de neurones que l’on observe dans le cerveau “normal”.

L’équilibre

Le lien entre le cervelet et le mouvement est connu depuis le XIXe siècle. Les patients souffrant d’un traumatisme dans cette région du cerveau présentaient des difficultés évidentes d’équilibre et de mouvement, ce qui ne laissait aucun doute sur son rôle essentiel dans la coordination des mouvements.

Il est facile de prendre le système d'équilibre pour acquis. En fonction de votre niveau de capacité, vous ne pensez probablement pas à vous lever debout, à marcher et à vous asseoir droit. Mais alors que ces processus peuvent sembler sans effort, la réalité est que votre cerveau travaille constamment pour maintenir le bon fonctionnement de votre système d'équilibre. Votre cerveau est responsable de vous aider à marcher, courir, et même se tenir debout sur un pied. Mais quelle partie du cerveau contrôle l'équilibre ?

Imaginez votre cerveau comme une usine. Il y a d'innombrables petits engrenages, des tapis roulants et des ouvriers qui se moquent, chacun d'entre eux servant un but unique pour vous permettre de vous déplacer à travers le monde. Et tandis que votre système d'équilibre engage plusieurs parties de votre cerveau, la partie principale du cerveau qui contrôle l'équilibre est le cervelet. Il contrôle un certain nombre de fonctions, y compris le mouvement, la parole, l'équilibre et la posture. Mais le cervelet ne fonctionne pas seul. Il y a plusieurs autres parties du cerveau qui contribuent également à équilibrer les fonctions, y compris ce que l'on appelle le système vestibulaire.

Pendant environ deux siècles, la communauté scientifique a cru que le cervelet se consacrait uniquement au contrôle des mouvements. Au cours des dernières décennies, cependant, il y a eu un changement d’opinion, les chercheurs ayant révélé des détails sur le rôle de cette structure dans la cognition, le traitement des émotions et le comportement social.

Le système vestibulaire


Pensez au système vestibulaire comme un service de messagerie. Situé dans l'oreille interne, le système vestibulaire fournit à votre cerveau des informations sur des choses comme le mouvement, la position de votre tête et des mouvements soudains. Cela vous aide à maintenir votre équilibre en vous assurant que votre cerveau traite la position de votre corps chaque fois qu'il change. En général, le système vestibulaire vous aide à maintenir un sentiment d'équilibre, à prévenir les chutes et les étourdissements.

Le système vestibulaire fournit le sens de l'équilibre et les informations sur la position du corps qui permettent des mouvements compensatoires rapides en réponse aux forces auto-induites et générées de l'extérieur.

La partie périphérique du système vestibulaire est une partie de l'oreille interne qui agit comme un accéléromètre miniaturisé et un dispositif de guidage inertiel, rapportant continuellement des informations sur les mouvements et la position de la tête et du corps aux centres d'intégration situés dans le tronc cérébral, le cervelet et les cortex sensoriels somatiques.

Bien que nous ne soyons normalement pas conscients de sa fonction, le système vestibulaire est un élément clé des réflexes posturaux et des mouvements oculaires. Si le système est endommagé, l'équilibre, le contrôle des mouvements oculaires lorsque la tête bouge et le sens de l'orientation dans l'espace sont affectés.

Ces manifestations de lésions vestibulaires sont particulièrement importantes dans l'évaluation des lésions du tronc cérébral. Les circuits du système vestibulaire s'étendent sur une grande partie du tronc cérébral et des tests cliniques simples de la fonction vestibulaire peuvent être effectués pour déterminer l'atteinte du tronc cérébral, même chez les patients comateux.

*
*     *

Le cervelet est notre “petit cerveau” – Connexion aux centres de récompense du cerveau



Des chercheurs du Collège de médecine Albert Einstein, Université de New York, démontrent selon une étude, publiée dans la revue Science en janvier 2019, qu’un circuit nouvellement identifié reliant le cervelet aux centres de récompense du cerveau chez la souris pourrait aider les scientifiques à comprendre l'autisme et la dépendance.

Des travaux de neuro-imagerie chez l'homme ont montré que le cervelet est impliqué dans le traitement cognitif et le contrôle émotionnel, et des études chez l'animal ont révélé, entre autres, que la structure est importante pour le développement normal des capacités sociales et cognitives. Les chercheurs ont également associé une altération de la fonction cérébelleuse à la dépendance, à l'autisme et à la schizophrénie.

Bien que nombre de ces résultats suggèrent que le cervelet joue un rôle important dans le comportement social et lié à la récompense, il n'existait pas de mécanisme neuronal clair permettant d'expliquer ce lien.

De nouvelles recherches démontrent qu'une voie reliant directement le cervelet à l'aire tegmentale ventrale (ATV) – l'un des principaux centres du plaisir dans le cerveau – peut contrôler ces deux processus. Ce travail permet de définir le circuit reliant le cervelet au traitement social et au traitement de la récompense.

Les chercheurs avaient concentré leurs travaux sur le rôle du cervelet dans la coordination motrice jusqu'à ce qu'ils découvrent la littérature relative aux fonctions non motrices de la structure, alors qu'ils examinaient des demandes de subventions. Intrigués par les liens entre le cervelet et des troubles tels que l'autisme et la toxicomanie, ils ont cherché à savoir s'il pouvait communiquer directement avec l’ATV, une zone du cerveau précédemment liée à ces troubles.

Des recherches antérieures menées dans le laboratoire avaient laissé entrevoir l'existence de connexions inattendues entre le cervelet et d'autres parties du cerveau. Plus précisément, en examinant les circuits cérébraux qui sous-tendent la dystonie – un trouble du mouvement qui provoque des contractions musculaires incontrôlables – chez la souris. L'équipe a découvert que le cervelet communiquait directement avec les ganglions basales – impliqués dans les fonctions de mouvement, de motivation et de récompense – afin de contrôler les mouvements complexes.

On pensait auparavant que pour coordonner de telles actions, les deux zones du cerveau communiquaient par l'intermédiaire du cortex, la région responsable des tâches d'ordre supérieur telles que la planification et la prise de décision. Cette découverte les a incités à s’intéresser à la manipulation cérébelleuse directe d'autres structures cérébrales.

Pour étudier le lien entre le cervelet et l’ATV, l'équipe a d'abord injecté dans les cellules cérébelleuses de souris des virus de l'herpès, qui agissent comme des sentinelles mobiles en traversant les synapses – les minuscules espaces entre les cellules cérébrales – tout en portant des étiquettes fluorescentes. Cette expérience a révélé que plusieurs neurones de l’ATV étaient illuminés par les marqueurs fluorescents, ce qui indiquait que les cellules de cette région du cerveau recevaient effectivement des connexions directes du cervelet. Ensuite, en utilisant l'optogénétique – une méthode qui permet aux scientifiques d'activer ou de désactiver des cellules spécifiques d'une voie neuronale à l'aide de flashs lumineux –, les chercheurs ont démontré que la stimulation des neurones cérébelleux pouvait activer les cellules de l’ATV.

L'équipe a ensuite vérifié si ce circuit pouvait influencer les comportements liés à la récompense et les comportements sociaux. Ils ont constaté que la stimulation de cette voie par optogénétique pendant que les souris exploraient un quadrant d'une enceinte carrée leur faisait développer une forte préférence pour cet endroit. En activant cette voie, les scientifiques ont également pu conditionner les rongeurs – qui sont nocturnes – à privilégier l'exploration d'un compartiment lumineux, malgré leur préférence naturelle pour les endroits sombres.

Les chercheurs expliquent que ces résultats suggèrent que cette voie pourrait être impliquée dans le comportement addictif. Ils notent que cette dernière expérience a été largement utilisée pour étudier la toxicomanie chez les animaux, et le groupe prévoit d'autres études. Une expérience future pourrait consister à administrer de la cocaïne à des rongeurs pour voir si l'inhibition de la voie entre le cervelet et l’ATV peut manipuler les comportements addictifs.

Lorsque les chercheurs ont mené des expériences similaires sur des souris en utilisant trois chambres interconnectées, ils ont fait une découverte intéressante. Les souris rencontraient un animal familier placé dans un compartiment – la “chambre sociale” –. À côté se trouvait un compartiment vide – la “chambre à objets” –. Les souris passaient généralement plus de temps dans le compartiment social. Mais après avoir désactivé la voie cervelet-ATV par optogénétique, cette préférence a disparu, reflétant le comportement généralement observé lorsque les scientifiques effectuent le même test avec des modèles animaux d'autisme.

Il est intéressant de noter que l'équipe a constaté que la stimulation de ce circuit n'augmentait pas les interactions des rongeurs avec un animal non familier. Selon les auteurs, cette observation suggère que le circuit n'augmente pas nécessairement les comportements pro-sociaux, mais qu'il rend les objets inanimés, par exemple, tout aussi gratifiants que l'interaction avec d'autres personnes.

Cette étude est l'une des démonstrations les plus claires et les plus intéressantes que le cervelet est effectivement impliqué dans le contrôle de fonctions non motrices de haut niveau. Mais ces travaux ont été réalisés sur des souris ; maintenant il faut voir si cela se produit chez l'homme.

Ces résultats confirment l'existence d'une voie proposée pour la première fois par des scientifiques il y a plusieurs décennies. Ils apportent une nouvelle pierre à l'édifice dans notre tentative de comprendre la contribution du cervelet à la cognition et aux émotions.

Selon les chercheurs l'étude plus approfondie du circuit cervelet-ATV pourrait un jour aider les scientifiques à traiter divers troubles. Ce circuit pourrait être manipulé – à l'aide de techniques telles que la stimulation magnétique transcrânienne ou la stimulation cérébrale profonde – chez les personnes souffrant d'addiction ou d'autisme. Mais des recherches supplémentaires sont nécessaires avant que de telles interventions ne deviennent réalité et, pour l'instant, l'équipe prévoit de tester certaines de ces méthodes sur des souris.

Ils pensent qu'au cours des prochaines années, nous verrons que le cervelet joue un rôle de plus en plus important dans les fonctions non motrices, telles que le traitement cognitif et émotionnel.


Découverte d’une nouvelle fonction du cervelet – son rôle dans la mémorisation des expériences émotionnelles



Des neuroscientifiques de l'Université de Bâle (Suisse) dans une étude, publiée dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) en octobre 2022, ont identifié une fonction émotionnelle et cognitive du cervelet jusqu'alors inconnue, élargissant considérablement notre connaissance de cet organe vital.

Le cerveau humain, centre de nos émotions, de nos pensées et de nos actions, reste un territoire inexploré malgré les progrès technologiques et scientifiques.

Les expériences émotionnelles tant positives que négatives restent particulièrement bien stockées dans la mémoire. Ce phénomène est essentiel à la survie, car nous devons par exemple, nous souvenir des situations de danger pour les éviter à l’avenir. Des études antérieures ont montré qu’une structure cérébrale appelée amygdale, qui est importante pour le traitement des émotions, joue un rôle central dans ce phénomène. Les émotions activent l’amygdale, qui favorise à son tour le stockage d’informations dans différentes zones du cerveau central.

L'objectif de la présente étude était de déterminer si le cervelet et les connexions cérébelleuses-cérébrales sont impliqués dans le phénomène de la mémoire épisodique supérieure pour les informations visuelles suscitant des émotions.

Une nouvelle dimension

Traditionnellement, le cervelet a été associé à la coordination motrice, à l'équilibre et aux fonctions liées à des mouvements doux et précis. Il s'avère que cette région du cerveau joue également un rôle crucial dans la consolidation des souvenirs liés à des expériences émotionnelles intenses, un phénomène appelé “une mémoire améliorée d'excitation émotionnelle”.

Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont analysé l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
de 1.418 participants exposés à des images téléchargées émotionnellement dans lesquelles ils ont montré un contenu positif, négatif et neutre, permettant aux chercheurs d'évaluer la réponse émotionnelle et la rétention de la mémoire des sujets.

Les résultats ont été révélés. Les images émotionnelles, à la fois positives et négatives, ont été rappelées plus clairement que les neutres, en outre, le cervelet a montré une activité significative lors de la consolidation de ces souvenirs, travaillant avec des structures connues pour leur rôle dans la mémoire et les émotions, telles que l'amygdale et l'hypothalamus.

Le pont

Le cervelet (activation en rouge) est relié à différentes zones du cerveau (activations en vert) afin de renforcer le stockage des informations émotionnelles.

La découverte a révélé que les connexions du cervelet ne se limitent pas aux zones motrices du cerveau, mais interagissent également avec les régions impliquées dans les fonctions cérébrales supérieures.

En outre, les chercheurs ont montré que le cervelet était davantage relié à différentes zones du cerveau lors du stockage accru des images émotionnelles. Par exemple, il reçoit des informations du gyrus cingulaire, lequel joue un rôle important dans la perception et l'évaluation des sentiments. Le cervelet enverrait également des signaux à l'amygdale et à l'hippocampe, tous deux impliqués dans le stockage de la mémoire. Le cervelet fait donc partie d'un réseau cérébral dont le but est d'améliorer le stockage des informations émotionnelles.

Ce réseau neuronal nous permet d'influencer directement notre capacité à nous souvenir d'événements avec une charge émotionnelle élevée, une capacité clé à survivre en nous aidant à éviter les situations dangereuses à l'avenir.

Les spécialistes soulignent que cette découverte pourrait être essentielle pour mieux comprendre les troubles psychiatriques tels que le stress post-traumatique ou l'autisme, caractérisés par des altérations dans les circuits émotionnels du cerveau. En identifiant le rôle du cervelet dans ces fonctions, de nouvelles possibilités thérapeutiques s'ouvrent pour aborder ces conditions d'un point de vue innovant.

Ces résultats élargissent la connaissance du rôle du cervelet dans les processus cognitifs et émotionnels, remettant en question sa considération exclusive en tant que région de moteur.

Cette avancée met en évidence la complexité et la polyvalence du cerveau humain, nous rappelant que même des organes bien étudiés gardent encore des secrets à découvrir. La recherche représente un pas important vers une compréhension plus profonde de notre biologie et excite la communauté scientifique avec les promesses de futures découvertes.

Le cervelet, maître des émotions et du mouvement



Des chercheurs, lors de la réunion annuelle de la Société des neurosciences à Washington en novembre 2023, ont organisé un symposium sur les nouvelles fonctions du cervelet non liées au contrôle de la motricité.

Au fil des décennies, les neuro-scientifiques ont développé une compréhension détaillée de la façon dont les circuits neuronaux uniques du cervelet contrôlaient la fonction motrice.

Des neurologues, dans la revue scientifique Brain en 1998, ont fait état d’un large éventail de handicaps émotionnels et cognitifs chez des patients présentant des lésions du cervelet. Par exemple, en 1991, après un accident qui a endommagé son cervelet, une étudiante ne sait plus écrire, réaliser des calculs de tête, voire nommer des objets courants. Son humeur s’est émoussée. Elle a perdu les usages sociaux, se déshabillant dans les couloirs de l’hôpital ou se mettant à parler comme un bébé.

Ce cas, tout comme d’autres similaires, ont laissé les auteurs perplexes. Les fonctions cognitives et émotionnelles dites “de haut niveau” – parler, écrire, interagir socialement – étaient jusqu’alors censées résider dans le cortex cérébral et le système limbique, un ensemble de régions situées sous le cortex et notamment impliquées dans la gestion des émotions.

Cependant, comme il n’existait aucune preuve anatomique solide de la manière dont les circuits neuronaux du cervelet pouvaient réguler les fonctions psychologiques et émotionnelles, ces rapports cliniques ont été négligés.

De nouvelles techniques expérimentales montraient qu’en plus de contrôler les mouvements, le cervelet régule d’autres comportements complexes, comme les interactions sociales, l’agressivité, la mémoire de travail, l’apprentissage, les émotions et bien d’autres encore.

Lors du symposium, les chercheurs ont fait part d’une multitude de découvertes fascinantes révélées par ces nouvelles méthodes, qui témoignent de l’évolution de leur compréhension du cervelet. Ainsi, la neuro-scientifique Jessica Verpeut, de l’université d’État de l’Arizona, a présenté des données décrivant le réseau complexe et étendu de connexions cérébelleuses qui sont activées dans tout le cerveau de souris lorsqu’elles socialisent ou apprennent à trouver leur chemin dans un labyrinthe.

Des souris dont on perturbe des neurones du cervelet perdent tout intérêt pour les interactions avec leurs congénères, mais pas pour les objets inanimés introduits dans leur cage.

Stephanie Rudolph a fait part d’expériences montrant que le comportement maternel, étudié chez des souris femelles s’occupant de leurs petits, était affecté par des hormones agissant sur le cervelet, en particulier l’ocytocine, une hormone qui favorise le lien maternel. Lorsque ce mécanisme est perturbé expérimentalement, la mère ne s’occupe plus de ses petits.

La chercheuse Yi-Mei Yang, de l’université du Minnesota, a souligné que, lorsqu’elle perturbait certains neurones du cervelet, les souris perdaient tout intérêt à interagir avec des congénères inconnues introduites dans leur cage. En revanche, elles n’avaient aucune difficulté à interagir avec des objets qu’on leur présentait pour la première fois, et à s’en souvenir. Un tel comportement indique un déficit de la mémoire complexe de reconnaissance sociale, similaire à celui observé chez les personnes autistes.

Un sujet abordé par la professeuse de neurosciences Aleksandra Badura, du centre médical de l’université Érasme, de Rotterdam, qui a présenté des données inédites suggérant que le cervelet est impliqué dans l’autisme parce qu’il est une plaque tournante de nos entrées sensorielles, en particulier des signaux liés aux contextes sociaux.

Ces dernières recherches vont bien au-delà des études sur les souris puisque le neurologue Andreas Thieme, de l’hôpital universitaire d’Essen, en Allemagne, a quant à lui présenté un nouveau test clinique permettant de diagnostiquer avec précision les troubles émotionnels et cognitifs causés par des lésions du cervelet.

Cervelet : son rôle dans la régulation de la soif



Une équipe de scientifiques des universités du Kentucky, de Case Western Reserve, de Cleveland, de Louisiane, de Dayton et du Texas Children's Hospital dans une étude, publiée dans Nature Neuroscience en juillet 2024, est parmi les premiers à trouver un nouveau rôle pour le cervelet dans la régulation de la soif.

L'eau est cruciale pour la survie de l'homme et représente environ 60% de l'organisme. Elle joue un rôle vital dans la fonction cellulaire, la régulation interne de la température et la santé des organes.

Sans suffisamment d'eau, les processus de l'organisme échouent rapidement, entraînant la mort en quelques jours seulement. La soif est le signe de déshydratation du cerveau. Mais être constamment assoiffé, ou pas du tout assoiffé, pourrait être des signes d'autres problèmes de santé.

Cette recherche met en évidence l'implication du cervelet dans la réglementation de la soif. Auparavant, ce rôle était attribué à d'autres régions du cerveau responsables de la détection et de la régulation de l'équilibre interne de l'eau.

Leur étude montre que les souris boivent plus d'eau lorsque les neurones cérébraux appelés neurones de Purkinje, l'un des tout premiers types de neurones à être reconnus et parmi les plus grands neurones du cerveau, sont activés par l'hormone asprosine.

L’activation de ces neurones par l’asprosine a entraîné un comportement de consommation d’eau immédiat chez les souris et que la suppression du récepteur de l’asprosine de ces cellules a réduit la consommation d’eau.

L’asprosine est une hormone protéique découverte en 2016. Il a été démontré qu'elle active les neurones hypothalamiques de la “faim” appelés neurones AgRP. En 2022, les chercheurs ont identifié le Ptprd comme le récepteur neuronal par lequel l’asprosine agit pour stimuler l’appétit.

L'asprosine affecte à la fois l'appétit et la soif, mais via des voies cérébrales différentes. Alors que l'asprosine stimule l'appétit via les neurones AgRP, son action sur les neurones de Purkinje cérébelleux déclenche une augmentation de la consommation d'eau.

Les chercheurs ont déclaré que cibler la voie de signalisation neuronale de Purkinje, l'asprosine, pourrait constituer une approche thérapeutique potentielle pour traiter les troubles de la soif, comme la polydipsie – sensation de soif extrême – et l'hypodipsie – absence de soif –. Cependant, l'équipe a indiqué que des études complémentaires étaient nécessaires pour mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau pendant ce processus.

*     *
*

Un petit chef-d’œuvre de câblage neuronal



Aujourd’hui, une meilleure compréhension des circuits du cervelet donne raison à ces études de cas et ébranle les acquis en la matière. Le modèle de câblage du cervelet est précisément organisé et compacté pour concentrer les trois quarts des neurones du cerveau dans un lobe d’à peine 10 centimètres

Le principal type de neurone du cervelet, appelé cellule de Purkinje, est largement ramifié tel un corail en éventail, mais aplati et presque bi-dimensionnel. Les pales de l’éventail sont les dendrites du neurone, qui reçoivent les signaux entrants. Ces neurones plats sont disposés en parallèle, comme si des millions de coraux en éventail étaient empilés les uns sur les autres en un faisceau serré. Des milliers de neurones minuscules font courir des axones – les câbles de transmission des impulsions électriques du cerveau – perpendiculairement à cet empilement de cellules de Purkinje, comme les fils d’un métier à tisser. Chaque axone est relié aux dendrites de dizaines de milliers de cellules de Purkinje.

Ce niveau d’inter-connectivité confère aux 50 milliards de neurones du cervelet une étonnante capacité d’intégration. Ce circuit, qui lui est propre, est à même de traiter d’énormes quantités de données captées par nos sens afin de réguler les mouvements du corps. Le mouvement fluide d’une ballerine bondissant sur la scène exige du cervelet qu’il traite rapidement les informations provenant de tous ses sens, tout en suivant les positions changeantes des membres, en maintenant l’équilibre et en cartographiant l’espace dans lequel le corps se déplace. Le cervelet utilise ces informations dynamiques pour contrôler les muscles selon un timing précis, et ce dans un contexte social approprié, sous l’effet de l’émotion et de la motivation.

Les neuro-scientifiques se rendent désormais compte que les puissants circuits neuronaux du cervelet qui intègrent les informations relatives aux mouvements du corps lui permettent également de gérer des processus mentaux et des comportements complexes.

Par exemple, la complexité du contrôle moteur nécessaire à l’élocution. Sur un plan purement physique, cela comprend non seulement la gymnastique complexe de la langue et des lèvres – pour produire le son et ajuster la hauteur et le volume –, mais aussi la gestuelle qui accompagne le discours. Nos paroles sont émises au bon moment pour ne pas empiéter sur celles de nos interlocuteurs, et sont étroitement calibrées en fonction du contexte social. Ainsi, elles se chargent de l’émotion appropriée et sont guidées par une motivation, des réflexions, par l’anticipation des réactions d’autrui et par notre propre état d’humeur.

Afin de coordonner ces diverses fonctions, il faut faire appel à l’ensemble des capacités du cerveau – de la régulation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, assurée par les régions profondes du cerveau, au traitement des informations sensorielles et émotionnelles, pris en charge par le système limbique. Mais aussi aux fonctions cognitives de haut niveau que sont la compréhension, l’inhibition et la prise de décision dans le cortex cérébral préfrontal.

Pour que le cervelet puisse remplir cette fonction, il doit posséder des connexions qui s’étendent à l’ensemble du cerveau. Jusqu’à présent, on ne disposait pas de preuves en ce sens, mais de nouvelles techniques permettent à présent de découvrir ces voies neuronales.

Une plaque tournante de nos entrées sensorielles

Il y a tout juste quelques décennies, lorsque les neuro-anatomistes ont commencé à cartographier le cerveau, ils n’ont trouvé aucune connexion directe entre le cervelet et les régions cérébrales qui contrôlent les émotions et la cognition, telles que le système limbique et le cortex préfrontal. Cela les a amenés à penser que le cervelet était quelque peu isolé et non impliqué dans ces fonctions cognitives supérieures. Mais tout comme les bandits peuvent échapper à un traqueur en changeant de véhicule, les signaux neuronaux peuvent sauter d’un neurone à l’autre. Cette action d’infiltration a mis les neuro-anatomistes sur la piste du cervelet.

De nouvelles méthodes ont permis à ces chercheurs de tracer ces voies depuis le cervelet, via des points de relais, jusqu’à l’ensemble du cerveau. Une de ces méthodes consiste à implanter des virus de la rage dans les neurones pour voir précisément quels autres neurones ils contactent. Les chercheurs ont modifié génétiquement des protéines fluorescentes de manière à ce qu’elles clignotent lorsqu’une impulsion neuronale se déclenche, ce qui leur permet d’observer les flux d’information dans les circuits neuronaux. On peut aussi suivre les empreintes laissées par le trafic neuronal : la visualisation des protéines produites lorsqu’un neurone se déclenche peut aider à identifier toutes les cellules qui communiquent dans un réseau neuronal lors de l’exécution d’un comportement spécifique.



Ces études montrent qu’en plus de contrôler les mouvements, le cervelet régule des comportements 
sociaux et émotionnels complexes. Pour exercer cette influence globale, il doit être un centre de traitement
 des données avec des connexions dans tout le cerveau. Il n’est donc pas étonnant qu’il compte 
autant de neurones. Pour accomplir seul ce travail de commande et de contrôle de haut niveau, 
il doit être, en fait, un petit cerveau à lui tout seul.



Voir aussi…


mardi 1 avril 2025

Manger Trop Vite – Le Signal de Satiété Parvient Perturbé au Cerveau



L'une des clés d'une alimentation saine est de manger ce que l'on a envie de manger : ni trop, ni trop peu


Troubles digestifs et une sensation de satiété perturbée

Lorsque nous mangeons trop vite, nous ingérons des quantités supérieures à nos besoins énergétiques réels, car l'hormone leptine n'a pas le temps de nous indiquer que nous sommes rassasiés.

Manger trop vite est une habitude courante qui peut avoir un impact négatif sur la digestion et le poids. En mangeant à la hâte, nous avons tendance à consommer plus d'aliments avant que le signal de satiété ne parvienne au cerveau.

Aérophagie, douleurs abdominales, indigestion… manger dans l’urgence est source d’inconforts divers. Surtout, cette mauvaise habitude perturbe l’envoi jusqu’au cerveau des signaux qui orchestrent le processus de digestion et permet la sensation de satiété.

Notre rythme de vie actuel fait souvent passer au second plan des questions aussi fondamentales que l’alimentation. Nous prenons souvent un petit-déjeuner rapide sur le chemin du travail, ou alors nous mangeons à toute vitesse afin de gagner du temps pour être plus productifs ou parce que nous avons ainsi l’impression de mieux concilier vie professionnelle et vie privée.

Au-delà d’autres réflexions sur cette culture de la précipitation, il est intéressant de mettre en balance le temps et la santé et de s’arrêter quelques minutes pour évaluer les conséquences possibles d’une alimentation trop rapide. Vous arrive-t-il parfois d’avoir des gaz en excès ? Souffrez-vous souvent d’une digestion trop lourde ? Depuis combien de temps n’avez-vous pas fait attention à vos sensations de faim et de satiété ?


Les conséquences d’une alimentation trop rapide

Gaz en excès

En ce qui concerne le premier problème, l’ingestion excessive d’air pendant et entre les repas est appelée aérophagie. Elle peut provoquer une gêne légère, une sensation de lourdeur et de ballonnement, ainsi que des douleurs abdominales et une distension abdominale – une augmentation objective et visible du diamètre de l’abdomen après l’ingestion d’aliments –.

La quantité normale de gaz dans le tube digestif à jeun est d’environ 200 millilitres. Si cette quantité augmente de manière significative, les mécanismes physiologiques d’expulsion peuvent devenir très inconfortables. Ce volume dépend de l’équilibre entre l’ingestion et la production de gaz et de son élimination, sous forme d’éructations, de flatulences ou via sa consommation par le microbiote intestinal.

Un des principaux facteurs responsables de l’augmentation de l’ingestion d’air et de la production de gaz est le fait de manger vite, bien que le chewing-gum, le tabagisme et les altérations du microbiote puissent également y contribuer.

Surmenage digestif

Par ailleurs, quand on mange à la hâte, le temps de mastication est réduit et les aliments arrivent presque entiers dans l’estomac, ce qui nécessite une plus grande production de sucs gastriques pour les digérer correctement. Ce phénomène, qui demande également un effort métabolique plus important, est à l’origine de la sensation gênante de lourdeur et d’indigestion qui accompagne les repas express.

Si on ne mâche pas suffisamment et donc si on ne permet pas l’action des enzymes orales, l’absorption des aliments dans l’intestin grêle peut également être affectée. Ainsi, malgré les efforts de l’estomac pour compenser, les aliments peuvent arriver dans l’intestin sans avoir été suffisamment digérés.

Pas de signal d’arrêt

L’axe intestin-cerveau est responsable, d’une part, de l’envoi des signaux qui orchestrent le processus de digestion et, d’autre part, du besoin de chercher de la nourriture ou au contraire de jeûner.

Deux hormones, la leptine et la ghréline, régulent respectivement la satiété et la faim. Lorsque nous voyons, sentons et commençons à ingérer un aliment, 20 à 30 minutes sont nécessaires pour que la première entre en action. Lorsque nous mangeons trop vite, nous ingérons des quantités supérieures à nos besoins énergétiques réels, car la leptine n’a pas le temps de nous dire que nous sommes rassasiés.

Le syndrome métabolique

Le syndrome métabolique – on parle aussi parfois du “syndrome de la bedaine” – correspond à l’association de plusieurs troubles liés à la présence d’un excès de graisse à l’intérieur du ventre. Les personnes concernées présentent un tour de taille important – supérieur à 94 cm pour les hommes et à 80 cm pour les femmes – et au moins deux autres anomalies parmi les suivantes : une hyperglycémie – excès de sucre dans le sang –, un taux de triglycérides élevé, un faible taux de “bon” cholestérol HDL, une tension artérielle trop haute. La survenue du syndrome étant favorisée par le manque d’activité physique, la sédentarité et une mauvaise alimentation, autant dire que le nombre de cas est en constante augmentation.

Au-delà de considérations esthétiques toujours discutables, prendre du ventre peut devenir un vrai problème : un tour de taille trop élevé, surtout lorsqu’il s’accompagne d’anomalies des taux de sucre et de lipides dans le sang ou d’une hypertension artérielle, augmente le risque de développer diverses maladies.

Et bien qu’il reste longtemps asymptomatique, ce syndrome doit être pris très sérieux. Avec le temps, il augmente considérablement le risque de développer des problèmes de santé parfois très graves : maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC), diabète de type 2, maladies du foie (stéatohépatite non alcoolique, cirrhose) ou des reins, apnée du sommeil ou encore troubles gynécologiques (syndrome des ovaires polykystiques).


Pour éviter ces complications, il faut perdre du ventre en exerçant une activité physique régulière et une alimentation équilibrée, parfois complétées par des traitements médicamenteux, notamment pour réguler la tension, l’hyperglycémie ou la teneur du sang en lipides.

Les maladies cardiovasculaires (MCV)

Les maladies cardiovasculaires sont une cause majeure de morbidité et de mortalité dans tous les pays du monde. Différents facteurs liés au mode de vie sont essentiels pour augmenter le risque de développer différents troubles métaboliques ainsi que différentes MCV.

Plusieurs études montrent une relation entre la vitesse à laquelle nous mangeons et les facteurs de risque cardiovasculaire, des niveaux élevés de triglycérides et des risques accrus de développer un syndrome métabolique – il augmente jusqu’à 59 % – ou un surpoids et une obésité, en particulier dans les populations diabétiques.

*
*      *

Manger vite est associé à des facteurs de risque cardiovasculaire classiques


Des scientifiques de l'Universitat Rovira i Virgili, de l'hôpital Sant Joian de Reus et de l'Instituto de Salud Carlos III (Espagne) ont publié un article, dans Nutrients en janvier 2019, sur l'association entre la vitesse d'alimentation et les facteurs de risque cardiovasculaire classiques chez les adultes à risque cardiovasculaire.

L'objectif de cette étude était d'évaluer l'association entre la vitesse d'alimentation et plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire. Une étude transversale a été menée dans le cadre de l'étude PREDIMED (Prevention of Cardiovascular Disease by Mediterranean Diet Intervention Trial) auprès de 792 participants de Reus (Tarragone).

Mesure de la vitesse d'alimentation et analyses statistiques

La mesure de la vitesse d'alimentation a été rapportée par les participants à l'étude (perception du sujet). Pour les analyses statistiques, la mesure de la vitesse d'alimentation a été segmentée en trois catégories : lente, moyenne ou rapide. L'association entre la vitesse d'alimentation et les facteurs de risque cardiovasculaire a été évaluée statistiquement en construisant des modèles de régression de Cox avec un temps de suivi constant pour tous les sujets.

Résultats

En comparant les participants classés dans la catégorie des personnes mangeant plus lentement à ceux classés dans la catégorie des personnes mangeant plus rapidement, ces derniers étaient 59% plus susceptibles de présenter la composante hypertriglycéridémie du syndrome métabolique que les personnes mangeant plus lentement.

Un risque accru de 47% a également été trouvé dans cette même association, même après ajustement pour différentes variables confondantes (selon le modèle considéré), telles que l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, le statut tabagique, l'apport énergétique total, les niveaux d'activité physique, la consommation d'alcool, l'adhésion au régime méditerranéen, l'IMC et les différentes composantes individuelles du syndrome métabolique.

Conclusion

La mesure de la vitesse d'alimentation est positivement associée à la prévalence de la composante hypertriglycéridémie du syndrome métabolique dans une population d'adultes à haut risque cardiovasculaire.

*       *
*

Pourquoi est-on de mauvaise humeur quand on a faim ?


Le corps demande du glucose

Structure chimique de la
molécule de glucose
Lorsque nous avons faim, des émotions telles que la fatigue, la confusion ou la colère se manifestent. Ce phénomène est dû à la présence de sucre, et plus précisément de glucose, dans le sang. Dès que son taux baisse, notre corps déclenche une série de réponses pour le rétablir.

Le glucose est la principale source d’énergie des cellules qui composent tous nos organes. Le cerveau, par exemple, dépend presque exclusivement de l’apport en sucre. Sans lui, les 100 milliards de cellules nerveuses qui le composent ne pourraient pas accomplir leur travail de manière optimale.

Si le cerveau ne reçoit pas suffisamment de glucose, nous nous sentons faibles, irritables, étourdis et avons du mal à nous concentrer. Dans les cas extrêmes – notamment des situations d’hypoglycémies sévères chez des personnes diabétiques –, lorsque l’apport en sucre est insuffisant pendant de très longues périodes, nous pouvons tomber dans le coma.

Le cortisol, marionnettiste des émotions

Ce sont là quelques-uns des symptômes qui nous signalent qu’il faut manger pour rétablir le taux de sucre dans le sang. Celui-ci sert d’autoroute aux différents nutriments pour atteindre leur destination : les cellules disséminées dans notre corps. Dans cette situation, une cascade de réactions physiologiques se produit.

Au niveau moléculaire, différentes hormones sont libérées. L’une d’entre elles, la ghréline est produite et passe dans la circulation par l’intermédiaire des cellules de l’estomac. Cette substance naturelle stimule l’appétit et veille à ce que l’organisme reçoive de l’énergie par l’ingestion d’aliments.

Tout en ignorant les circonstances qui expliquent pourquoi nous ne sommes pas en train de manger, en parallèle et de manière indirecte, la ghréline stimule la production de l’hormone associée au stress, le cortisol, qui est généré par les glandes surrénales.

Pour augmenter le taux de sucre, le cortisol favorise un processus appelé gluconéogenèse. Celui-ci repose sur la production de glucose à partir de la dégradation d’acides gras et de protéines stockés dans le foie. Ce processus fournit rapidement de l’énergie à l’organisme. 

La présence de cortisol dans le sang pendant les états caractérisés par la faim affecte le fonctionnement du cerveau, en agissant comme une sorte de marionnettiste. Il modifie les niveaux de neurotransmetteurs tels que la dopamine et la sérotonine, qui sont liés aux émotions positives et à la perception du stress. Conséquence de ces effets combinés : lorsque nous avons faim, nous nous sentons plus irritables ou en colère que d’habitude.

Les humains ne sont pas les seuls à réagir de la sorte. Dans une étude comportementale sur le poisson-zèbre, les chercheurs ont découvert que ces animaux deviennent également agressifs lorsqu’ils ont faim.

Un comportement façonné par l’évolution

Nos humeurs sont le résultat de nombreuses interactions biochimiques, et il y a une autre hormone concernée, il s’agit de l’adrénaline.

Comme le cortisol, l’adrénaline est produite par les glandes surrénales et est associée aux situations de stress. Elle est connue pour son rôle dans la réponse “combattre ou fuir” qui est une réaction physiologique face à une menace. Dans les situations de faim, l’adrénaline et le cortisol affectent tous deux notre humeur, en nous mettant davantage en colère ou en nous rendant plus irritables.

On pense qu’il y a une explication liée à l’évolution de l’espèce : à l’époque où les humains étaient des chasseurs-cueilleurs, pour survivre aux pénuries de nourriture – et pour rivaliser avec ses concurrents pour ces ressources –, on aurait tiré avantage du fait d’être agressif.

Aujourd’hui, bien que nous ne soyons plus en compétition pour la nourriture de la même manière, savoir comment le corps réagit à la faim peut nous aider à gérer nos émotions. Si vous constatez que vous commencez à vous sentir en colère ou irritable, rappelez-vous qu’il peut s’agir des effets du jeûne.

Emporter un en-cas sain vous permettra non seulement de garder de l’énergie, mais aussi de conserver une humeur plus équilibrée.


La sensation de satiété


La sensation de satiété est un signal envoyé par notre corps pour nous indiquer que nous avons suffisamment mangé. Il s'agit d'un état physiologique de "non-faim" qui survient quand est complètement rassasié et implique la disparition complète de la sensation de faim.

Pour atteindre l'état de satiété, il est important de ressentir la sensation de faim avant le repas.

La satiété se déclenche quand notre organisme a absorbé suffisamment de calories et que nous avons ingéré assez de nourriture. Son mécanisme s'enclenche dès la première bouchée du repas, grâce à la mastication, mais il est aussi entretenu par le goût, l'odeur et la texture des aliments qui transmettent un influx nerveux au cerveau.

Une fois les éléments arrivés dans l'estomac, la distension gastrique et certains récepteurs situés tout le long du tube digestif – qui captent le contenu des aliments, comme les graisses, les sucres, les acides aminés, etc – envoient un nouveau message au cerveau, qui va, à son tour, activer le centre de satiété, situé dans l’hypothalamus du cerveau.

Les hormones agissant sur la satiété

Plusieurs hormones jouent un rôle dans la satiété. Les principales sont la leptine et la cholécystokinine.

La Cholécystokinine (CCK) est une hormone peptidique, produite au niveau de l'intestin grêle et plus précisément du duodénum – première partie de l'intestin grêle – et elle agit sur la vésicule biliaire. Elle est sécrétée quand les lipides et les protéines quittent l'estomac et arrivent dans le duodénum. Elle a un effet anorexigène et diminue l'envie de manger.

La leptine, surnommée "l'hormone de la satiété", est sécrétée par les cellules graisseuses de l'organisme – les adipocytes –, mais aussi par l'estomac, le muscle squelettique et la moelle osseuse. L'estomac commence à sécréter de la leptine environ quinze minutes après l'arrivée des aliments. Elle agit en synergie avec la cholécystokinine : elle favorise l'absorption intestinale des protéines, et a un effet anorexigène en agissant sur des récepteurs situés au niveau de l'hypothalamus.

Des facteurs peuvent perturber la satiété

* Le fait de lire, de scroller (dérouler les pages internet) sur son portable ou de regarder la télé en mangeant... En somme, ne pas être concentré sur son repas.
*
 Le fait de ne pas être à l'écoute de ses sensations alimentaires depuis longtemps ou de "manger ses émotions", autrement dit, de céder à des impulsions pour trouver du réconfort dans l'alimentation.
* Le fait de trop contrôler son alimentation (anorexie mentale, régime restrictif, orthorexie, etc.).
* Les menstruations.
* Une grossesse.
* Certaines maladies commet Parkinson, Alzheimer, voire des cancers.
* La prise de médicaments / de drogues.

Combien de temps avant de ressentir la satiété ?

On estime que la satiété se manifeste en moyenne une vingtaine de minutes après le début du repas, à partir de la première bouchée. C'est le temps nécessaire pour que votre cerveau reçoive les signaux de satiété. D'où l'importance de ne pas se presser lorsque l'on mange : si vous manger trop rapidement, la sensation de satiété sera plus longue à arriver.

Pour favoriser la satiété : ne tardez pas à manger lorsque vous avez faim et prenez le temps de bien mâcher vos aliments.

Aliments favorisant la satiété

*
 Les aliments riches en protéines : viande, poisson, œufs, fruits de mer, etc.
* Les aliments riches en glucides complexes : pain complet, riz complet, pomme de terre, boulgour, quinoa, etc.
* Les fruits et les légumes, grâce à leur apport en fibres alimentaires.

Les cacahuètes procurent un sentiment de satiété

Les nutritionnistes affirment que la teneur en protéines des cacahuètes produit une sensation de satiété. Ils contiennent des vitamines A et E, c'est pourquoi on leur attribue des fonctions antioxydantes et de régénération cellulaire.

Ils réduisent le mauvais cholestérol et augmente le bon cholestérol dans l'organisme car ils contiennent des graisses mono-insaturées, en particulier de l'acide oléique qui aide à prévenir les maladies coronariennes.

Les personnes qui mangent des cacahuètes ou du beurre de cacahuète au moins deux fois par semaine sont moins susceptibles de souffrir d'obésité que ceux qui n'en mangent pas.

Les signes de la satiété

*
 La diminution du plaisir de manger.
* Le fait de manger moins vite.
* La lassitude face à son assiette.
* L'envie de sortir de table.

Cela vaut donc la peine de s’arrêter un moment, de s’asseoir et de profiter de sa pause-déjeuner ou de son repas, tranquillement. Mâchez lentement et soyez attentif à votre sensation de satiété. Investissez du temps et gagnez en santé.

Quelle différence avec le rassasiement ?

Le rassasiement correspond précisément à l'instant où vous n’avez plus de plaisir à manger un aliment, alors que votre sensation de faim est toujours présente. C’est en fait le moment à partir duquel vous n'avez plus envie de manger.

La satiété, elle, n'est pas une question d'envie. Il s'agit d'un état physiologique ; vous avez suffisamment mangé et vous n’avez plus faim.

***

Des bactéries indispensables pour une bonne nutrition


Un premier exemple illustrant l’importance et l’effet bénéfique des bactéries sur la santé est lié à la dénutrition chez les enfants. On pourrait penser que la dénutrition est simplement due à un manque de nourriture. Et, en effet, pendant de nombreuses années, la seule réponse apportée à la dénutrition a été de donner de la nourriture aux personnes touchées. Jusqu’à ce que des recherches sur des jumeaux en Afrique révèlent une chose surprenante : certains enfants souffraient de malnutrition, alors que leurs frères et sœurs restaient en bonne santé, bien qu’ayant reçu la même quantité de nourriture. Plus surprenant encore, si l’on transfère des bactéries provenant des excréments d’enfants dénutris à des souris dépourvues de bactéries dans leur tractus intestinal, ces souris présentent à leur tour rapidement des signes de malnutrition.

Aujourd’hui, le rôle des bactéries dans la compréhension des causes de la malnutrition est encore mal compris. Cependant, il apparaît qu’une flore microbienne intestinale normale est nécessaire pour rester en bonne santé. Les enfants qui subissent une malnutrition présentent une diversité bactérienne moindre – appelée dysbiose – et souvent une flore intestinale – appelée microbiote – immature, avec une diversité très réduite. Se limiter à leur redonner de la nourriture n’est pas suffisant pour qu’ils retrouvent une bonne santé, il faut que leur microbiote redevienne également “normal”. Une meilleure connaissance de l’influence du microbiote sur l’état nutritionnel des enfants nous aidera à concevoir de meilleurs traitements contre la malnutrition en utilisant ces communautés de microbes bénéfiques à l’être humain.

Des microbes peuvent-ils être utiles ?

Sur une planète de microbes, tout dépend du point de vue. Voici quelques exemples autour de la nutrition, de maladies et de plantes pour y voir plus clair.

Si, par exemple, on analyse le contenu de l’intestin d’un animal, on a toutes les chances d’y trouver un mélange de microbes interagissant à la fois entre eux et avec leur “hôte” dans des interactions de toutes sortes, qu’elles soient bénéfiques, défavorables et neutres. Nous vivons sur une planète de microbes. Il y a un milliard de bactéries dans un gramme de sol, un million de virus dans un litre d’eau de mer, ou encore entre 1000 et 20000 spores de champignons dans chaque mètre cube d’air. Les animaux et les plantes sont entourés en permanence de microbes, interagissent avec eux, et nombre de ces microbes sont très utiles.

Des bactéries utiles et néfastes – selon le point de vue

Mouche tsé-tsé
Parfois, les relations peuvent être extrêmement complexes, et des bactéries peuvent être utiles ou néfastes selon le point de vue où on se place. La maladie du sommeil est une maladie tropicale, causée par un parasite – un trypanosome – transmis par un vecteur, la glossine ou mouche tsé-tsé. La glossine absorbe le parasite lorsqu’elle se nourrit du sang d’un animal infecté, et le retransmet à un autre hôte – homme ou animal – lors d’un nouveau repas de sang.

Le bactériome – communauté des bactéries – de cette glossine comprend Wigglesworthia glossinidia, symbionte primaire indispensable à la survie de la mouche, et Sodalis glossinidius, un symbionte secondaire qui favorise l’infection de la mouche par le trypanosome qui s’y multiplie avant d’être transmis lors d’une autre piqûre. Sodalis peut être lysogène :c’est-à-dire qu’elle a intégré le génome d’un virus nommé “bactériophage” dans son propre génome ; le génome viral ainsi intégré est appelé prophage.

Par un mécanisme dont on ignore la nature, le prophage peut se libérer du génome de Sodalis ; il utilise alors la machinerie cellulaire de la bactérie pour reconstituer le bactériophage actif qui se multiplie puis dégrade la paroi de la bactérie dont les résidus stimulent des mécanismes de défense de la glossine.

La bactérie Sodalis est alors moins présente dans l’intestin de tsétsé, réduisant sa capacité à être infectée et donc à transmettre le parasite. Ainsi, Wigglesworthia, utile à la mouche tsé-tsé, vecteur de la maladie, est défavorable à l’homme. Sodalis est utile au parasite donc défavorable à l’homme alors que le bactériophage, tueur de Sodalis, est défavorable au parasite, donc favorable à l’homme. Et ce ne sont là que deux bactéries et un virus quand bien d’autres bactéries identifiées pourraient également jouer un rôle sur la mouche tsé-tsé, la transmission du parasite et donc la maladie humaine ou animale.

Des symbioses entre plantes et microbes

Les plantes ne sont pas en reste dans ces interactions utiles avec les microbes. On sait maintenant que la sortie des eaux, c’est-à-dire la colonisation de la terre par les végétaux vivant dans l’eau s’est faite il y a environ 500 millions d’années grâce à l’association bénéfique entre ces végétaux et des champignons, ces derniers leur permettant de puiser de l’eau dans le sol alors qu’elles ne possédaient pas encore de racines. Exemple plus actuel, les légumineuses, grand groupe d’espèces de plantes incluant le haricot ou le soja, hébergent dans des structures racinaires des bactéries – appelées rhizobium – qui ont la capacité de capter l’azote présent dans l’air pour le redonner aux plantes, leur fournissant ainsi un engrais naturel inépuisable qui leur permet de pousser dans des sols extrêmement pauvres.

Depuis plusieurs années, de nombreuses études montrent que les plantes possèdent toute une communauté de microorganismes sur leurs feuilles, dans leurs tiges ou autour des racines, dont la présence induit une meilleure croissance, une meilleure résistance aux maladies et à des stress abiotiques, via de nombreux mécanismes physiologiques et moléculaires. Ainsi l’espèce Capsicum annuum – à laquelle appartiennent les poivrons et les piments cultivés – résiste mieux à la sécheresse en présence de souches bactériennes des genres Acinetobacter et Sphingobacterium.

Actuellement, les chercheurs testent l’hypothèse de “l’appel à l’aide”, où des plantes subissant par exemple l’attaque d’un pathogène arriveraient à attirer vers elle des microbes lui permettant de mieux lutter contre ce pathogène. La plante modèle Arabidopsis thaliana, attaquée sur ses feuilles par la bactérie pathogène Pseudomonas syringae, arrive, en sécrétant par ses racines de l’acide malique, à attirer une autre bactérie, Bacillus subtilis, qui l’aide à résister à la bactérie pathogène. Comprendre et utiliser ces micro-organismes en agriculture est actuellement l’une des pistes les plus prometteuses pour diminuer l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais chimiques.

Les microbes entourent et colonisent tous les êtres vivants. Certains sont pathogènes, beaucoup n’ont aucun effet, mais beaucoup d’autres jouent un rôle crucial dans la survie et le développement des animaux et des plantes. Comprendre ces interactions bénéfiques est une clé majeure dans notre compréhension du vivant, de son évolution et finalement sa survie.

***

Pratique de la pleine conscience

* Manger en pleine conscience implique de se concentrer pleinement sur l'expérience de manger. Cela inclut de prêter attention aux saveurs, aux textures, et aux sensations de satiété.

* Commencez chaque repas en prenant quelques respirations profondes pour vous ancrer dans le moment présent.

Techniques pour ralentir

* Posez vos couverts. Mettez vos couverts ou votre nourriture entre chaque bouchée.

* Mâchez bien. Prenez le temps de mâcher chaque bouchée complètement avant d'avaler.

*Utilisez une minuterie. Fixez-vous un temps minimum pour vos repas, par exemple 20 minutes.

Créer un environnement propice

*Éliminez les distractions pendant les repas, comme la télévision ou les appareils électroniques.

* Créez une atmosphère agréable pour manger, qui encourage à prendre son temps.

Planification des repas et collations

* Prévoyez des repas réguliers pour éviter la faim extrême qui peut conduire à manger rapidement.

* Incluez des collations saines si nécessaire pour maintenir votre énergie et éviter la fringale.

Écoutez votre corps

* Soyez attentif aux signaux de faim et de satiété de votre corps. Arrêtez de manger quand vous vous sentez confortablement rassasié, pas plein.

* Reconnaître la différence entre la faim physique et la faim émotionnelle.

Exercices de respiration et relaxation

* Des techniques de respiration peuvent aider à gérer l'anxiété et le stress, souvent associés à l'alimentation rapide.

* Pratiquer la méditation ou le yoga peut également aider à développer une plus grande conscience corporelle.


Manger lentement est une partie essentielle d'une alimentation saine et équilibrée. Cela permet 
non seulement une meilleure digestion et absorption des nutriments, mais contribue également 
à un meilleur contrôle du poids. En adoptant ces stratégies, vous pouvez transformer votre 
expérience alimentaire, en faisant des repas un moment de plaisir et de pleine conscience.


Voir aussi…