samedi 31 mai 2025

Le "Shifting" – La Science Décrypte ce Phénomène de Voyage Mental vers un Monde Imaginaire



Le concept de “shifting” – dont le sens littéral est “mutable”, “transformable” – est basé sur la théorie des multivers, c'est-à-dire l'hypothèse de l'existence d'univers multiples. Cette hypothèse propose que chaque ligne temporelle alternative possible est réelle et possible, et que ces lignes temporelles existent dans des univers parallèles.

Le “shifting” consiste à basculer de la réalité vers une expérience imaginaire de façon volontaire. Le déplacement de la réalité est considéré avant tout comme une expérience subjective et personnelle du jeu imaginatif plutôt que comme une altération littérale et objective de la réalité.

Ici, le voyage se passe uniquement dans la tête, sans aucun stupéfiant ni aucune technologie si ce n’est l’imaginaire. Le shifting se rapproche principalement du rêve lucide, de la méditation ou encore, de l’autohypnose. Les sons, les odeurs, le toucher… Tout peut devenir “réel” avec une bonne dose d’imagination, à condition d’accepter cette réalité “désirée” et d’oublier la réalité “actuelle”. Il suffit de se plonger dans un souvenir agréable qui est vraiment arrivé ou bien de s’imaginer vivre dans un monde totalement fantastique. C’est au choix.

Cette pratique peut se définir comme un désengagement de la réalité présente pour investir une réalité fantasmatique, souvent inspirée de la culture populaire, dans laquelle le sujet vit une expérience immersive gratifiante.

Le confinement lors de la pandémie de Covid-19 a eu des effets significatifs sur l’activité humaine, à l’échelle de la société, bien sûr, mais également sur le plan individuel. Par exemple, une étude canadienne récente a montré que la consommation d’alcool avait augmenté pendant cette période, ce qui peut être le témoignage d’une tendance à fuir une réalité morose, privée des activités mobilisant habituellement l’intérêt. La difficulté à faire face à une réalité non souhaitée peut aussi venir expliquer l’observation d’une augmentation du “shifting” qui s’est propagée par les réseaux sociaux particulièrement au sein de la population adolescente.

L’aspect “technique”, qui donne son nom à cette pratique consiste dans l’aptitude à basculer de la réalité vers cette expérience imaginaire de façon volontaire. Un autre aspect souligné par les pratiquants est l’adhésion puissante à cette réalité “désirée”, qui nécessite de suspendre l’incrédulité usuelle, pour apprécier pleinement le contenu de l’imagerie visuelle et sonore constituant l’expérience. C’est précisément cette adhésion et la suspension de l’incrédulité qui semblent susciter l’inquiétude de l’entourage ou des professionnels de santé, en ce qu’elles pourraient menacer l’adaptation du sujet à la réalité “vraie”.

Un voyage mental sous contrôle

Ce que les pratiquants du shifting décrivent s’apparente à une forme de voyage mental sous contrôle.

Le voyage mental repose sur le désengagement de la situation présente pour générer une représentation mentale spécifique : par exemple, l’évocation d’un souvenir personnel repose sur l’activation d’une scène tirée du passé, qui est “rejouée” mentalement. Le voyage mental peut aussi être involontaire, avec l’irruption de souvenirs autobiographiques, ou de scènes fantaisistes, sans lien avec la réalité. Néanmoins, il demande toujours au sujet de se désengager de l’activité en cours, qui doit être suspendue, sauf s’il s’agit d’une activité routinière, de faible exigence, comme la marche, le tricot ou toute activité répétitive monotone, qui pourrait même favoriser le voyage.

Ainsi, nos activités mentales – et les comportements connexes – peuvent être classées en trois grands modes, entre lesquels nous naviguons en fonction des contextes :

* Le mode “exploitation”, qui consiste à remplir les tâches dictées par l’environnement, sous la forme d’un certain asservissement du cerveau à ses routines.

* Le mode “exploration”, lorsque nous sommes confrontés à un contexte nouveau qui nous contraint à développer des stratégies originales au résultat incertain.

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 Le mode “désengagé”, où l’absence de contrainte environnementale nous rend susceptibles de nous livrer à une activité autonome, de “vagabondage mental” – le fameux voyage – qui consiste à manier des idées, ressasser le passé, envisager l’avenir, etc.

Depuis les travaux pionniers du neurologue Marcus Raichle, ce troisième mode, considéré comme un mode “par défaut”, dans lequel le sujet bascule lorsqu’il n’a rien à faire – ni exploiter ni explorer –, repose sur un réseau cérébral impliquant les territoires frontaux et pariétaux.

Or, le shifting repose sur un désengagement du réel, et la réalisation d’un voyage mental “contrôlé”, où le sujet maîtrise, en partie au moins, le cours de son imagerie mentale.

Des travaux expérimentaux récents ont permis de mieux comprendre, chez l’animal, comment fonctionnait cette aptitude, qui n’est donc aucunement l’apanage de l’être humain, qui permet de se désengager du présent pour voyager mentalement dans l’espace et dans le temps.

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Les territoires mouvants du voyage mental


Une équipe de chercheurs de l’Université Grenoble Alpes, CNRS, Inserm, CHU St Étienne, CHU, Grenoble Alpes, ont publié en mars 2025 un article de synthèse sur le voyage mental dans la revue Médecine/Sciences – INSERM (Paris).


Le voyage mental, créatif et décarboné, est une expérience que tout le monde peut vivre sans effort pour s’abstraire de l’immédiateté et se projeter au-delà du réel. Cette faculté de pouvoir effectuer ce voyage virtuel interroge les philosophes et les scientifiques. D’ailleurs, qu’est-ce que voyager mentalement ? Quels sont les circuits neuronaux impliqués ? Quelles sont les conditions qui nous entraînent dans un voyage halluciné, nous privent de voyage ou nous permettent de le maîtriser ? Quels sont les avantages adaptatifs de ce périple imaginaire ? Est-il présent chez d’autres êtres vivants et dans nos machines “intelligentes” ?


Les animaux sont capables de voyager mentalement



Une équipe de chercheurs de l’Université Grenoble Alpes, CNRS, INSERM, CHU St Étienne, CHU, Grenoble Alpes, dans une étude expérimentale menée chez le rat, publiée dans la revue Science en novembre 2023, montre que le voyage mental peut être suivi littéralement à la trace chez l’animal.

Dans cette expérience, le rat est placé sur une sphère mobile sur laquelle il se déplace dans toutes les directions. Ces déplacements sont reportés dans un environnement virtuel qui lui est présenté sur un écran placé devant lui, de sorte qu’il peut se promener à son gré dans un labyrinthe numérique, à la recherche d’une récompense délivrée lorsqu’il atteint son but.

Ce faisant, les activités des neurones de l’hippocampe, appelés place cells” (“cellules de lieu”) parce qu’ils codent la situation de l’animal dans l’espace, sont enregistrées afin de constituer une cartographie neuronale de ses déplacements. À l’aide de ces enregistrements, et à force de répétitions des essais, les chercheurs peuvent identifier l’endroit où se trouve l’animal dans le labyrinthe.

Et c’est là que la prouesse expérimentale réside : les chercheurs débranchent la connexion de la molette de déplacement à l’environnement virtuel et connectent, à la place, l’activité des neurones hippocampiques. Ainsi, le labyrinthe dans lequel le rat se déplace n’est plus liée à ses déplacements effectifs mais au plan cérébral qu’il est en train de suivre. Et cela marche : le rat parvient à sa destination – virtuelle – et reçoit sa récompense – réelle –. En somme, il ne se déplace que “dans sa tête”, et non pas dans un environnement. Il réalise parfaitement un voyage mental.

Une autre expérimentation, plus récente encore, menée chez l’animal, a permis de cibler le commutateur qui permet de basculer d’une tâche vers un désengagement de l’environnement. Des souris dont les différentes populations de neurones du noyau du raphé médian, dans le tronc cérébral, sont influencées par le dispositif expérimental peuvent basculer d’un mode à l’autre sous l’effet de l’une des trois populations – neurones à GABA, glutamate et sérotonine –, correspondant aux trois catégories décrites : exploitation, exploration et désengagement.

Ainsi, la suppression de l’activité des neurones sérotoninergiques du noyau du raphé médian permet le désengagement. L’activation ou l’inhibition de l’une des trois populations de neurones permet de basculer d’un mode à l’autre. Le shifting exploite probablement ces propriétés spécifiques, tout en développant une certaine expertise du désengagement, lorsque, tout au moins, le contexte le permet.

Cette découverte constitue une extension prometteuse de la mise en œuvre de l'ICM (déficience cognitive légère) des fonctions sensorimotrices à un domaine plus cognitif et suggère que l'activité hippocampique est sous contrôle volontaire. De plus, l'approche ICM fournit un nouvel outil pour sonder les mécanismes de la navigation mentale et de l'imagination spatiale au niveau des circuits.


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Certains “shifteurs” racontent qu’ils sont capables de se projeter dans le monde de Harry Potter et de ressentir des sensations visuelles ou sonores


Shifter, c'est changer de réalité. Les adolescents, pour échapper à la monotonie du quotidien ou à l'ennui du confinement, se transportent, par la pensée, dans un monde, dans une vie, dans la peau d'un personnage qui leur plaît. Sur TikTok, ils sont nombreux à expliquer leurs techniques, qui relèvent souvent de l'auto-hypnose. Pour s'aider dans leur immersion virtuelle et psychique, les shifteuses préparent à l'avance un scénario, un "script".

Ainsi, une jeune fille se décrit basculant dans un monde inspiré de celui de Harry Potter, au sein duquel elle évolue en interagissant avec ses héros préférés. Il s’agit d’un voyage imaginaire, plus ou moins sous contrôle, interrompu par le retour à la réalité.

Clara est une Potterhead, elle est fan de l'univers de Harry Potter. C'est donc à Poudlard, l'école de sorcellerie de Harry, qu'elle se rend lors de ses séances de shifting. Elle raconte sa rencontre avec Drago, Harry, et les matchs de Quidditch.

En vivant quelques mois à Poudlard l'espace d'une soirée, Clara réussit à avoir des conversations enrichissantes qui lui permettent de mieux appréhender la “current reality ou réalité de base, dans le langage des shifteurs. "Le personnage qui m'a le plus aidée, c'est Harry, parce qu'on se complète, on est à peu près pareils. Je ressens les mêmes choses que lui au même moment, et du coup, il m'a vraiment aidé à remonter la pente”.

Source : France culture. Cet épisode a été diffusé pour la première fois le 22/09/2021.

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Suspendre son incrédulité pour “shifter”

Mais pratiquer le voyage mental et désengager facilement ne doit pas suffire à faire l’expérience d’un shifting satisfaisant, il faut aussi, et c’est sans doute le point le plus critique, parvenir à suspendre son incrédulité. Celle-ci agit comme une sorte de “filtre de réalité”, consistant à détecter les irrégularités de notre expérience mentale pour distinguer ce qui relève de la perception de ce qui appartient à notre propre fantaisie.

Nous pouvons tous imaginer des éléphants roses et les classer correctement dans les produits de cette imagination. Durant le sommeil, les structures qui assurent ce discernement entre fantaisie et réalité – le cortex orbitofrontal et le gyrus cingulaire antérieur – ont une activité qui est suffisamment inactivée pour que nous puissions adhérer au contenu de nos rêves, en dépit de leur caractère fantastique.

Au cours de l’hypnose, ces processus de critique de la réalité sont également mis au repos, de sorte que nous pouvons adhérer à des représentations erronées ; par exemple, mon bras est paralysé. Il est vraisemblable qu’un tel processus, comme le suggèrent les méthodes proposées pour faciliter le shifting, et qui sont évocatrices d’une forme d’autohypnose, soit à l’œuvre pour que le sujet adhère au contenu de son voyage.

Pour beaucoup d’adolescents, cette technique est encore plus puissante que le rêve lucide ou l’autohypnose, car ils peuvent atteindre un niveau de réalisme jamais égalé grâce au shifting. Mais existe-t-il un danger à shifter ? Pour Jean-Marc Berheim, médecin hypnothérapeute, tout est question de balance. Certes, le risque majeur consiste à voir ces personnes perdre pied avec la réalité, tant ils sont accros à leur monde imaginaire. En revanche, le shifting, bien utilisé, peut se révéler un atout de taille pour améliorer la confiance en soi ou pour une échappée belle temporaire et maîtrisée.

Il faut éviter d’en faire une fuite de la réalité, mais en faire une fugue. Une escapade transitoire et sans conséquence. En somme, s'imaginer sur une plage au Brésil ou dans un temple en Thaïlande peut s'avérer un très bon moment, rien que pour soi.



La pratique du “shifting” consiste donc à exploiter une propriété générale, propre à l’humain et 
à de nombreux animaux probablement, qui est de pouvoir s’abstraire du réel pour se projeter dans 
un monde imaginaire, réalisant un voyage mental. Nous commençons à connaître les opérateurs cérébraux 
de cette expérience, mais son contenu subjectif reste hors de portée : c’est bien ce qui fait toute sa magie.


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mercredi 30 avril 2025

Cervelet – Contrôle de l'Équilibre et Découverte de Nouvelles Fonctions



Bien que notre cervelet (en beige) représente seulement 10% du volume de notre cerveau,
 il concentre la majorité de ses neurones


Le cervelet – qui signifie “petit cerveau” en latin – est situé à l’arrière même de notre crâne. Il est bien plus important qu’on l’a longtemps cru : il ne gère pas seulement nos mouvements, mais les associe à nos émotions et régule nos interactions sociales. Il contient les trois quarts de tous les neurones du cerveau – 50 milliards –. Ils y sont organisés de manière presque cristalline, avec une régularité et un ordonnancement qui contrastent avec l’enchevêtrement de neurones que l’on observe dans le cerveau “normal”.

L’équilibre

Le lien entre le cervelet et le mouvement est connu depuis le XIXe siècle. Les patients souffrant d’un traumatisme dans cette région du cerveau présentaient des difficultés évidentes d’équilibre et de mouvement, ce qui ne laissait aucun doute sur son rôle essentiel dans la coordination des mouvements.

Il est facile de prendre le système d'équilibre pour acquis. En fonction de votre niveau de capacité, vous ne pensez probablement pas à vous lever debout, à marcher et à vous asseoir droit. Mais alors que ces processus peuvent sembler sans effort, la réalité est que votre cerveau travaille constamment pour maintenir le bon fonctionnement de votre système d'équilibre. Votre cerveau est responsable de vous aider à marcher, courir, et même se tenir debout sur un pied. Mais quelle partie du cerveau contrôle l'équilibre ?

Imaginez votre cerveau comme une usine. Il y a d'innombrables petits engrenages, des tapis roulants et des ouvriers qui se moquent, chacun d'entre eux servant un but unique pour vous permettre de vous déplacer à travers le monde. Et tandis que votre système d'équilibre engage plusieurs parties de votre cerveau, la partie principale du cerveau qui contrôle l'équilibre est le cervelet. Il contrôle un certain nombre de fonctions, y compris le mouvement, la parole, l'équilibre et la posture. Mais le cervelet ne fonctionne pas seul. Il y a plusieurs autres parties du cerveau qui contribuent également à équilibrer les fonctions, y compris ce que l'on appelle le système vestibulaire.

Pendant environ deux siècles, la communauté scientifique a cru que le cervelet se consacrait uniquement au contrôle des mouvements. Au cours des dernières décennies, cependant, il y a eu un changement d’opinion, les chercheurs ayant révélé des détails sur le rôle de cette structure dans la cognition, le traitement des émotions et le comportement social.

Le système vestibulaire


Pensez au système vestibulaire comme un service de messagerie. Situé dans l'oreille interne, le système vestibulaire fournit à votre cerveau des informations sur des choses comme le mouvement, la position de votre tête et des mouvements soudains. Cela vous aide à maintenir votre équilibre en vous assurant que votre cerveau traite la position de votre corps chaque fois qu'il change. En général, le système vestibulaire vous aide à maintenir un sentiment d'équilibre, à prévenir les chutes et les étourdissements.

Le système vestibulaire fournit le sens de l'équilibre et les informations sur la position du corps qui permettent des mouvements compensatoires rapides en réponse aux forces auto-induites et générées de l'extérieur.

La partie périphérique du système vestibulaire est une partie de l'oreille interne qui agit comme un accéléromètre miniaturisé et un dispositif de guidage inertiel, rapportant continuellement des informations sur les mouvements et la position de la tête et du corps aux centres d'intégration situés dans le tronc cérébral, le cervelet et les cortex sensoriels somatiques.

Bien que nous ne soyons normalement pas conscients de sa fonction, le système vestibulaire est un élément clé des réflexes posturaux et des mouvements oculaires. Si le système est endommagé, l'équilibre, le contrôle des mouvements oculaires lorsque la tête bouge et le sens de l'orientation dans l'espace sont affectés.

Ces manifestations de lésions vestibulaires sont particulièrement importantes dans l'évaluation des lésions du tronc cérébral. Les circuits du système vestibulaire s'étendent sur une grande partie du tronc cérébral et des tests cliniques simples de la fonction vestibulaire peuvent être effectués pour déterminer l'atteinte du tronc cérébral, même chez les patients comateux.

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Le cervelet est notre “petit cerveau” – Connexion aux centres de récompense du cerveau



Des chercheurs du Collège de médecine Albert Einstein, Université de New York, démontrent selon une étude, publiée dans la revue Science en janvier 2019, qu’un circuit nouvellement identifié reliant le cervelet aux centres de récompense du cerveau chez la souris pourrait aider les scientifiques à comprendre l'autisme et la dépendance.

Des travaux de neuro-imagerie chez l'homme ont montré que le cervelet est impliqué dans le traitement cognitif et le contrôle émotionnel, et des études chez l'animal ont révélé, entre autres, que la structure est importante pour le développement normal des capacités sociales et cognitives. Les chercheurs ont également associé une altération de la fonction cérébelleuse à la dépendance, à l'autisme et à la schizophrénie.

Bien que nombre de ces résultats suggèrent que le cervelet joue un rôle important dans le comportement social et lié à la récompense, il n'existait pas de mécanisme neuronal clair permettant d'expliquer ce lien.

De nouvelles recherches démontrent qu'une voie reliant directement le cervelet à l'aire tegmentale ventrale (ATV) – l'un des principaux centres du plaisir dans le cerveau – peut contrôler ces deux processus. Ce travail permet de définir le circuit reliant le cervelet au traitement social et au traitement de la récompense.

Les chercheurs avaient concentré leurs travaux sur le rôle du cervelet dans la coordination motrice jusqu'à ce qu'ils découvrent la littérature relative aux fonctions non motrices de la structure, alors qu'ils examinaient des demandes de subventions. Intrigués par les liens entre le cervelet et des troubles tels que l'autisme et la toxicomanie, ils ont cherché à savoir s'il pouvait communiquer directement avec l’ATV, une zone du cerveau précédemment liée à ces troubles.

Des recherches antérieures menées dans le laboratoire avaient laissé entrevoir l'existence de connexions inattendues entre le cervelet et d'autres parties du cerveau. Plus précisément, en examinant les circuits cérébraux qui sous-tendent la dystonie – un trouble du mouvement qui provoque des contractions musculaires incontrôlables – chez la souris. L'équipe a découvert que le cervelet communiquait directement avec les ganglions basales – impliqués dans les fonctions de mouvement, de motivation et de récompense – afin de contrôler les mouvements complexes.

On pensait auparavant que pour coordonner de telles actions, les deux zones du cerveau communiquaient par l'intermédiaire du cortex, la région responsable des tâches d'ordre supérieur telles que la planification et la prise de décision. Cette découverte les a incités à s’intéresser à la manipulation cérébelleuse directe d'autres structures cérébrales.

Pour étudier le lien entre le cervelet et l’ATV, l'équipe a d'abord injecté dans les cellules cérébelleuses de souris des virus de l'herpès, qui agissent comme des sentinelles mobiles en traversant les synapses – les minuscules espaces entre les cellules cérébrales – tout en portant des étiquettes fluorescentes. Cette expérience a révélé que plusieurs neurones de l’ATV étaient illuminés par les marqueurs fluorescents, ce qui indiquait que les cellules de cette région du cerveau recevaient effectivement des connexions directes du cervelet. Ensuite, en utilisant l'optogénétique – une méthode qui permet aux scientifiques d'activer ou de désactiver des cellules spécifiques d'une voie neuronale à l'aide de flashs lumineux –, les chercheurs ont démontré que la stimulation des neurones cérébelleux pouvait activer les cellules de l’ATV.

L'équipe a ensuite vérifié si ce circuit pouvait influencer les comportements liés à la récompense et les comportements sociaux. Ils ont constaté que la stimulation de cette voie par optogénétique pendant que les souris exploraient un quadrant d'une enceinte carrée leur faisait développer une forte préférence pour cet endroit. En activant cette voie, les scientifiques ont également pu conditionner les rongeurs – qui sont nocturnes – à privilégier l'exploration d'un compartiment lumineux, malgré leur préférence naturelle pour les endroits sombres.

Les chercheurs expliquent que ces résultats suggèrent que cette voie pourrait être impliquée dans le comportement addictif. Ils notent que cette dernière expérience a été largement utilisée pour étudier la toxicomanie chez les animaux, et le groupe prévoit d'autres études. Une expérience future pourrait consister à administrer de la cocaïne à des rongeurs pour voir si l'inhibition de la voie entre le cervelet et l’ATV peut manipuler les comportements addictifs.

Lorsque les chercheurs ont mené des expériences similaires sur des souris en utilisant trois chambres interconnectées, ils ont fait une découverte intéressante. Les souris rencontraient un animal familier placé dans un compartiment – la “chambre sociale” –. À côté se trouvait un compartiment vide – la “chambre à objets” –. Les souris passaient généralement plus de temps dans le compartiment social. Mais après avoir désactivé la voie cervelet-ATV par optogénétique, cette préférence a disparu, reflétant le comportement généralement observé lorsque les scientifiques effectuent le même test avec des modèles animaux d'autisme.

Il est intéressant de noter que l'équipe a constaté que la stimulation de ce circuit n'augmentait pas les interactions des rongeurs avec un animal non familier. Selon les auteurs, cette observation suggère que le circuit n'augmente pas nécessairement les comportements pro-sociaux, mais qu'il rend les objets inanimés, par exemple, tout aussi gratifiants que l'interaction avec d'autres personnes.

Cette étude est l'une des démonstrations les plus claires et les plus intéressantes que le cervelet est effectivement impliqué dans le contrôle de fonctions non motrices de haut niveau. Mais ces travaux ont été réalisés sur des souris ; maintenant il faut voir si cela se produit chez l'homme.

Ces résultats confirment l'existence d'une voie proposée pour la première fois par des scientifiques il y a plusieurs décennies. Ils apportent une nouvelle pierre à l'édifice dans notre tentative de comprendre la contribution du cervelet à la cognition et aux émotions.

Selon les chercheurs l'étude plus approfondie du circuit cervelet-ATV pourrait un jour aider les scientifiques à traiter divers troubles. Ce circuit pourrait être manipulé – à l'aide de techniques telles que la stimulation magnétique transcrânienne ou la stimulation cérébrale profonde – chez les personnes souffrant d'addiction ou d'autisme. Mais des recherches supplémentaires sont nécessaires avant que de telles interventions ne deviennent réalité et, pour l'instant, l'équipe prévoit de tester certaines de ces méthodes sur des souris.

Ils pensent qu'au cours des prochaines années, nous verrons que le cervelet joue un rôle de plus en plus important dans les fonctions non motrices, telles que le traitement cognitif et émotionnel.


Découverte d’une nouvelle fonction du cervelet – son rôle dans la mémorisation des expériences émotionnelles



Des neuroscientifiques de l'Université de Bâle (Suisse) dans une étude, publiée dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) en octobre 2022, ont identifié une fonction émotionnelle et cognitive du cervelet jusqu'alors inconnue, élargissant considérablement notre connaissance de cet organe vital.

Le cerveau humain, centre de nos émotions, de nos pensées et de nos actions, reste un territoire inexploré malgré les progrès technologiques et scientifiques.

Les expériences émotionnelles tant positives que négatives restent particulièrement bien stockées dans la mémoire. Ce phénomène est essentiel à la survie, car nous devons par exemple, nous souvenir des situations de danger pour les éviter à l’avenir. Des études antérieures ont montré qu’une structure cérébrale appelée amygdale, qui est importante pour le traitement des émotions, joue un rôle central dans ce phénomène. Les émotions activent l’amygdale, qui favorise à son tour le stockage d’informations dans différentes zones du cerveau central.

L'objectif de la présente étude était de déterminer si le cervelet et les connexions cérébelleuses-cérébrales sont impliqués dans le phénomène de la mémoire épisodique supérieure pour les informations visuelles suscitant des émotions.

Une nouvelle dimension

Traditionnellement, le cervelet a été associé à la coordination motrice, à l'équilibre et aux fonctions liées à des mouvements doux et précis. Il s'avère que cette région du cerveau joue également un rôle crucial dans la consolidation des souvenirs liés à des expériences émotionnelles intenses, un phénomène appelé “une mémoire améliorée d'excitation émotionnelle”.

Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont analysé l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
de 1.418 participants exposés à des images téléchargées émotionnellement dans lesquelles ils ont montré un contenu positif, négatif et neutre, permettant aux chercheurs d'évaluer la réponse émotionnelle et la rétention de la mémoire des sujets.

Les résultats ont été révélés. Les images émotionnelles, à la fois positives et négatives, ont été rappelées plus clairement que les neutres, en outre, le cervelet a montré une activité significative lors de la consolidation de ces souvenirs, travaillant avec des structures connues pour leur rôle dans la mémoire et les émotions, telles que l'amygdale et l'hypothalamus.

Le pont

Le cervelet (activation en rouge) est relié à différentes zones du cerveau (activations en vert) afin de renforcer le stockage des informations émotionnelles.

La découverte a révélé que les connexions du cervelet ne se limitent pas aux zones motrices du cerveau, mais interagissent également avec les régions impliquées dans les fonctions cérébrales supérieures.

En outre, les chercheurs ont montré que le cervelet était davantage relié à différentes zones du cerveau lors du stockage accru des images émotionnelles. Par exemple, il reçoit des informations du gyrus cingulaire, lequel joue un rôle important dans la perception et l'évaluation des sentiments. Le cervelet enverrait également des signaux à l'amygdale et à l'hippocampe, tous deux impliqués dans le stockage de la mémoire. Le cervelet fait donc partie d'un réseau cérébral dont le but est d'améliorer le stockage des informations émotionnelles.

Ce réseau neuronal nous permet d'influencer directement notre capacité à nous souvenir d'événements avec une charge émotionnelle élevée, une capacité clé à survivre en nous aidant à éviter les situations dangereuses à l'avenir.

Les spécialistes soulignent que cette découverte pourrait être essentielle pour mieux comprendre les troubles psychiatriques tels que le stress post-traumatique ou l'autisme, caractérisés par des altérations dans les circuits émotionnels du cerveau. En identifiant le rôle du cervelet dans ces fonctions, de nouvelles possibilités thérapeutiques s'ouvrent pour aborder ces conditions d'un point de vue innovant.

Ces résultats élargissent la connaissance du rôle du cervelet dans les processus cognitifs et émotionnels, remettant en question sa considération exclusive en tant que région de moteur.

Cette avancée met en évidence la complexité et la polyvalence du cerveau humain, nous rappelant que même des organes bien étudiés gardent encore des secrets à découvrir. La recherche représente un pas important vers une compréhension plus profonde de notre biologie et excite la communauté scientifique avec les promesses de futures découvertes.

Le cervelet, maître des émotions et du mouvement



Des chercheurs, lors de la réunion annuelle de la Société des neurosciences à Washington en novembre 2023, ont organisé un symposium sur les nouvelles fonctions du cervelet non liées au contrôle de la motricité.

Au fil des décennies, les neuro-scientifiques ont développé une compréhension détaillée de la façon dont les circuits neuronaux uniques du cervelet contrôlaient la fonction motrice.

Des neurologues, dans la revue scientifique Brain en 1998, ont fait état d’un large éventail de handicaps émotionnels et cognitifs chez des patients présentant des lésions du cervelet. Par exemple, en 1991, après un accident qui a endommagé son cervelet, une étudiante ne sait plus écrire, réaliser des calculs de tête, voire nommer des objets courants. Son humeur s’est émoussée. Elle a perdu les usages sociaux, se déshabillant dans les couloirs de l’hôpital ou se mettant à parler comme un bébé.

Ce cas, tout comme d’autres similaires, ont laissé les auteurs perplexes. Les fonctions cognitives et émotionnelles dites “de haut niveau” – parler, écrire, interagir socialement – étaient jusqu’alors censées résider dans le cortex cérébral et le système limbique, un ensemble de régions situées sous le cortex et notamment impliquées dans la gestion des émotions.

Cependant, comme il n’existait aucune preuve anatomique solide de la manière dont les circuits neuronaux du cervelet pouvaient réguler les fonctions psychologiques et émotionnelles, ces rapports cliniques ont été négligés.

De nouvelles techniques expérimentales montraient qu’en plus de contrôler les mouvements, le cervelet régule d’autres comportements complexes, comme les interactions sociales, l’agressivité, la mémoire de travail, l’apprentissage, les émotions et bien d’autres encore.

Lors du symposium, les chercheurs ont fait part d’une multitude de découvertes fascinantes révélées par ces nouvelles méthodes, qui témoignent de l’évolution de leur compréhension du cervelet. Ainsi, la neuro-scientifique Jessica Verpeut, de l’université d’État de l’Arizona, a présenté des données décrivant le réseau complexe et étendu de connexions cérébelleuses qui sont activées dans tout le cerveau de souris lorsqu’elles socialisent ou apprennent à trouver leur chemin dans un labyrinthe.

Des souris dont on perturbe des neurones du cervelet perdent tout intérêt pour les interactions avec leurs congénères, mais pas pour les objets inanimés introduits dans leur cage.

Stephanie Rudolph a fait part d’expériences montrant que le comportement maternel, étudié chez des souris femelles s’occupant de leurs petits, était affecté par des hormones agissant sur le cervelet, en particulier l’ocytocine, une hormone qui favorise le lien maternel. Lorsque ce mécanisme est perturbé expérimentalement, la mère ne s’occupe plus de ses petits.

La chercheuse Yi-Mei Yang, de l’université du Minnesota, a souligné que, lorsqu’elle perturbait certains neurones du cervelet, les souris perdaient tout intérêt à interagir avec des congénères inconnues introduites dans leur cage. En revanche, elles n’avaient aucune difficulté à interagir avec des objets qu’on leur présentait pour la première fois, et à s’en souvenir. Un tel comportement indique un déficit de la mémoire complexe de reconnaissance sociale, similaire à celui observé chez les personnes autistes.

Un sujet abordé par la professeuse de neurosciences Aleksandra Badura, du centre médical de l’université Érasme, de Rotterdam, qui a présenté des données inédites suggérant que le cervelet est impliqué dans l’autisme parce qu’il est une plaque tournante de nos entrées sensorielles, en particulier des signaux liés aux contextes sociaux.

Ces dernières recherches vont bien au-delà des études sur les souris puisque le neurologue Andreas Thieme, de l’hôpital universitaire d’Essen, en Allemagne, a quant à lui présenté un nouveau test clinique permettant de diagnostiquer avec précision les troubles émotionnels et cognitifs causés par des lésions du cervelet.

Cervelet : son rôle dans la régulation de la soif



Une équipe de scientifiques des universités du Kentucky, de Case Western Reserve, de Cleveland, de Louisiane, de Dayton et du Texas Children's Hospital dans une étude, publiée dans Nature Neuroscience en juillet 2024, est parmi les premiers à trouver un nouveau rôle pour le cervelet dans la régulation de la soif.

L'eau est cruciale pour la survie de l'homme et représente environ 60% de l'organisme. Elle joue un rôle vital dans la fonction cellulaire, la régulation interne de la température et la santé des organes.

Sans suffisamment d'eau, les processus de l'organisme échouent rapidement, entraînant la mort en quelques jours seulement. La soif est le signe de déshydratation du cerveau. Mais être constamment assoiffé, ou pas du tout assoiffé, pourrait être des signes d'autres problèmes de santé.

Cette recherche met en évidence l'implication du cervelet dans la réglementation de la soif. Auparavant, ce rôle était attribué à d'autres régions du cerveau responsables de la détection et de la régulation de l'équilibre interne de l'eau.

Leur étude montre que les souris boivent plus d'eau lorsque les neurones cérébraux appelés neurones de Purkinje, l'un des tout premiers types de neurones à être reconnus et parmi les plus grands neurones du cerveau, sont activés par l'hormone asprosine.

L’activation de ces neurones par l’asprosine a entraîné un comportement de consommation d’eau immédiat chez les souris et que la suppression du récepteur de l’asprosine de ces cellules a réduit la consommation d’eau.

L’asprosine est une hormone protéique découverte en 2016. Il a été démontré qu'elle active les neurones hypothalamiques de la “faim” appelés neurones AgRP. En 2022, les chercheurs ont identifié le Ptprd comme le récepteur neuronal par lequel l’asprosine agit pour stimuler l’appétit.

L'asprosine affecte à la fois l'appétit et la soif, mais via des voies cérébrales différentes. Alors que l'asprosine stimule l'appétit via les neurones AgRP, son action sur les neurones de Purkinje cérébelleux déclenche une augmentation de la consommation d'eau.

Les chercheurs ont déclaré que cibler la voie de signalisation neuronale de Purkinje, l'asprosine, pourrait constituer une approche thérapeutique potentielle pour traiter les troubles de la soif, comme la polydipsie – sensation de soif extrême – et l'hypodipsie – absence de soif –. Cependant, l'équipe a indiqué que des études complémentaires étaient nécessaires pour mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau pendant ce processus.

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Un petit chef-d’œuvre de câblage neuronal



Aujourd’hui, une meilleure compréhension des circuits du cervelet donne raison à ces études de cas et ébranle les acquis en la matière. Le modèle de câblage du cervelet est précisément organisé et compacté pour concentrer les trois quarts des neurones du cerveau dans un lobe d’à peine 10 centimètres

Le principal type de neurone du cervelet, appelé cellule de Purkinje, est largement ramifié tel un corail en éventail, mais aplati et presque bi-dimensionnel. Les pales de l’éventail sont les dendrites du neurone, qui reçoivent les signaux entrants. Ces neurones plats sont disposés en parallèle, comme si des millions de coraux en éventail étaient empilés les uns sur les autres en un faisceau serré. Des milliers de neurones minuscules font courir des axones – les câbles de transmission des impulsions électriques du cerveau – perpendiculairement à cet empilement de cellules de Purkinje, comme les fils d’un métier à tisser. Chaque axone est relié aux dendrites de dizaines de milliers de cellules de Purkinje.

Ce niveau d’inter-connectivité confère aux 50 milliards de neurones du cervelet une étonnante capacité d’intégration. Ce circuit, qui lui est propre, est à même de traiter d’énormes quantités de données captées par nos sens afin de réguler les mouvements du corps. Le mouvement fluide d’une ballerine bondissant sur la scène exige du cervelet qu’il traite rapidement les informations provenant de tous ses sens, tout en suivant les positions changeantes des membres, en maintenant l’équilibre et en cartographiant l’espace dans lequel le corps se déplace. Le cervelet utilise ces informations dynamiques pour contrôler les muscles selon un timing précis, et ce dans un contexte social approprié, sous l’effet de l’émotion et de la motivation.

Les neuro-scientifiques se rendent désormais compte que les puissants circuits neuronaux du cervelet qui intègrent les informations relatives aux mouvements du corps lui permettent également de gérer des processus mentaux et des comportements complexes.

Par exemple, la complexité du contrôle moteur nécessaire à l’élocution. Sur un plan purement physique, cela comprend non seulement la gymnastique complexe de la langue et des lèvres – pour produire le son et ajuster la hauteur et le volume –, mais aussi la gestuelle qui accompagne le discours. Nos paroles sont émises au bon moment pour ne pas empiéter sur celles de nos interlocuteurs, et sont étroitement calibrées en fonction du contexte social. Ainsi, elles se chargent de l’émotion appropriée et sont guidées par une motivation, des réflexions, par l’anticipation des réactions d’autrui et par notre propre état d’humeur.

Afin de coordonner ces diverses fonctions, il faut faire appel à l’ensemble des capacités du cerveau – de la régulation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, assurée par les régions profondes du cerveau, au traitement des informations sensorielles et émotionnelles, pris en charge par le système limbique. Mais aussi aux fonctions cognitives de haut niveau que sont la compréhension, l’inhibition et la prise de décision dans le cortex cérébral préfrontal.

Pour que le cervelet puisse remplir cette fonction, il doit posséder des connexions qui s’étendent à l’ensemble du cerveau. Jusqu’à présent, on ne disposait pas de preuves en ce sens, mais de nouvelles techniques permettent à présent de découvrir ces voies neuronales.

Une plaque tournante de nos entrées sensorielles

Il y a tout juste quelques décennies, lorsque les neuro-anatomistes ont commencé à cartographier le cerveau, ils n’ont trouvé aucune connexion directe entre le cervelet et les régions cérébrales qui contrôlent les émotions et la cognition, telles que le système limbique et le cortex préfrontal. Cela les a amenés à penser que le cervelet était quelque peu isolé et non impliqué dans ces fonctions cognitives supérieures. Mais tout comme les bandits peuvent échapper à un traqueur en changeant de véhicule, les signaux neuronaux peuvent sauter d’un neurone à l’autre. Cette action d’infiltration a mis les neuro-anatomistes sur la piste du cervelet.

De nouvelles méthodes ont permis à ces chercheurs de tracer ces voies depuis le cervelet, via des points de relais, jusqu’à l’ensemble du cerveau. Une de ces méthodes consiste à implanter des virus de la rage dans les neurones pour voir précisément quels autres neurones ils contactent. Les chercheurs ont modifié génétiquement des protéines fluorescentes de manière à ce qu’elles clignotent lorsqu’une impulsion neuronale se déclenche, ce qui leur permet d’observer les flux d’information dans les circuits neuronaux. On peut aussi suivre les empreintes laissées par le trafic neuronal : la visualisation des protéines produites lorsqu’un neurone se déclenche peut aider à identifier toutes les cellules qui communiquent dans un réseau neuronal lors de l’exécution d’un comportement spécifique.



Ces études montrent qu’en plus de contrôler les mouvements, le cervelet régule des comportements 
sociaux et émotionnels complexes. Pour exercer cette influence globale, il doit être un centre de traitement
 des données avec des connexions dans tout le cerveau. Il n’est donc pas étonnant qu’il compte 
autant de neurones. Pour accomplir seul ce travail de commande et de contrôle de haut niveau, 
il doit être, en fait, un petit cerveau à lui tout seul.



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