lundi 28 février 2022

L'Ėco-anxiété Due au Changement Climatique



Incendies gigantesques, pluies violentes, vents puissants, inondations, éboulements, sécheresses : les images tournent sur les télévisions et nos réseaux sociaux. La Terre se réchauffe, les changements climatiques sont déjà perceptibles et les prévisions des scientifiques, notamment celles du GIEC : le Groupe international d’experts sur le climat, sont alarmistes.

Pour nombre de personnes, ces nouvelles sont anxiogènes et génèrent ce que l’on appelle depuis quelques années, l’éco-anxiété, un nouveau “mal du siècle”.

L'éco-anxiété fait référence à la peur des dommages environnementaux ou d'une catastrophe écologique. Ce sentiment d'anxiété est largement basé sur l'état actuel et futur prévu de l'environnement et le changement climatique induit par l'homme.

L'anxiété suscitée par les problèmes environnementaux peut provenir de la prise de conscience d'un risque croissant d'événements météorologiques extrêmes, de pertes de moyens de subsistance ou de logement, de craintes pour les générations futures et de sentiments d'impuissance.

Les chercheurs ont inventé le terme “éco-anxiété” pour décrire l'anxiété chronique ou grave liée à la relation des humains avec l'environnement.

En 2017, l'American Psychiatric Association (APA) a décrit l'éco-anxiété comme une peur chronique de la catastrophe environnementale.

Il n’y a pas une mais des éco-anxiétés. Le phénomène peut se manifester sous différentes formes, que ce soit de manière psychosomatique, émotionnelle ou existentielle. Cette dernière peut d’ailleurs être positive et entrainer une transition écologique progressive par une remise en question du mode de vie des individus.

On ne naît pas éco-anxieux, on le devient. Il s’agit d’un cheminement rationnel au regard de la situation environnementale et qui traduit l’instinct de survie humain à un niveau systémique. Il est normal de ressentir certaines formes d’éco-anxiété.

Cette anxiété est le signe d’un regard lucide sur le monde, mais qui a un prix et qui peut mener à des conséquences sociales comme l’infécondité volontaire.

La notion d’éco-anxiété n’est pas nouvelle, mais le terme a seulement émergé dans le débat public vers 2019, du fait de la sensibilisation croissante des individus aux questions climatiques, et plus récemment du fait de la sortie du rapport alarmant du GIEC et des phénomènes climatiques inquiétants dans le monde.

L’éco-anxiété étant étroitement liée à la situation environnementale, en pleine dégradation, les chercheurs voient le phénomène s’amplifier dans les prochaines années.

L’éco-anxiété n’est pas considérée comme une pathologie mentale. Elle n'est actuellement pas répertoriée dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), ce qui signifie que les médecins ne la considèrent pas officiellement comme une maladie diagnostique.

Cependant, les professionnels de la santé mentale utilisent le terme éco-anxiété dans le domaine de l'éco-psychologie, une branche qui traite des relations psychologiques des personnes avec le reste de la nature et de la façon dont cela affecte leur identité, leur bien-être et leur santé.

Les effets immédiats du changement climatique – tels que les dommages causés aux groupes communautaires, une perte de nourriture et une sécurité réduite de l'approvisionnement médical – peuvent nuire gravement à la santé mentale des personnes.

Les impacts graduels du changement climatique, y compris l'élévation croissante du niveau de la mer et les changements dans les conditions météorologiques, peuvent même entraîner des symptômes chroniques de santé mentale.


Symptômes chroniques de santé mentale – L’anxiété

L'APA souligne qu'un climat changeant peut affecter la santé mentale de plusieurs manières et se manifester par :

* traumatisme et choc
* trouble de stress post-traumatique (TSPT)
* anxiété
* dépression
* abus de substance
* agression
* diminution des sentiments d'autonomie et de contrôle
* sentiments d'impuissance, de fatalisme et de peur.

Le stress chronique ou sévère, quelle qu'en soit la cause, peut augmenter le risque de plusieurs problèmes de santé graves. Cela inclut les maladies cardiaques, l'hypertension artérielle et la dépression.

Avec l'éco-anxiété, les gens peuvent également ressentir des symptômes généraux d'anxiété.

L'anxiété liée aux problèmes environnementaux peut provenir du fait de vivre, d'être à risque ou d'avoir des proches à risque de conditions météorologiques extrêmes liées au climat, notamment des ouragans, des sécheresses et des incendies de forêt.

La couverture médiatique de la destruction de l'environnement peut être accablante, et les preuves de l'impact négatif des humains sur l'environnement sont de plus en plus nombreuses. Les événements météorologiques extrêmes ont alimenté des guerres civiles, ont touché les maisons des gens et détruit des habitats.

Des preuves scientifiques émergent que les gens commencent à ressentir une anxiété extrême ou chronique parce qu'ils ont l'impression de ne pas pouvoir contrôler les problèmes environnementaux, en particulier le changement climatique.

Pour certaines personnes, l'augmentation des crises environnementales est non seulement frustrante, effrayante et choquante, mais aussi une source d'anxiété constante ou débilitante.

Les gens peuvent également se sentir coupables ou inquiets de l'impact que leur comportement ou celui de leur génération peut avoir sur l'environnement et celui des générations futures.

Personnes plus susceptibles d'être affectées

L’éco-anxiété touche toutes les franges de la population et va se traduire par des pensées obsédantes par rapport à l’avenir, dans une volonté de préserver leurs besoins de base. Les dommages environnementaux n'affectent pas tous les individus de la même manière. Pour cette raison, certaines personnes peuvent ressentir plus intensément l'anxiété liée aux problèmes écologiques.

Certaines parties du monde sont plus vulnérables aux effets des conditions météorologiques extrêmes, notamment les communautés côtières et les zones de faible altitude. En particulier, les personnes dont les moyens de subsistance dépendent de l'environnement, comme celles qui travaillent dans la pêche, le tourisme et l'agriculture, sont plus susceptibles d'être affectées.

De plus, les personnes qui vivent dans des communautés autochtones dépendent souvent des ressources naturelles et ont tendance à résider dans des zones géographiques plus vulnérables. Elles peuvent craindre de perdre leur logement, leurs moyens de subsistance ou leur patrimoine culturel, ce qui peut nuire à leur sentiment d'identité, d'appartenance et de communauté.

Les personnes qui travaillent dans des emplois environnementaux ou en tant que premiers intervenants et les travailleurs de la santé d'urgence peuvent également être plus sujettes à l'éco-anxiété.

Ces groupes sont confrontés à davantage d'effets sur la santé physique et mentale dus aux changements climatiques et aux dommages environnementaux.

Les groupes suivants peuvent également être plus susceptibles de ressentir de l'éco-anxiété :

* personnes déplacées et migrants forcés,

* personnes ayant des problèmes de santé mentale ou physique préexistants,

* personnes de statut socio-économique inférieur,

* enfants et jeunes adultes,

* personnes âgées.

Des profils divers

Trois types de patients qui abordent au cours des séances le terme d’éco-anxiété ou de solastalgie :

* ceux qui arrivent en situation de burn-out écologique,
* ceux qui vivent un éveil écologique traumatogène,
* ceux faisant partie des “éveillés lucides”, ayant toujours ressenti une forme de malaise latent.


Comment savoir si j’ai une éco-anxiété ?

Il est naturel pour une personne de se sentir triste, en colère, frustrée ou impuissante face à des choses qui semblent hors de son contrôle, et il est facile de se sentir découragé par de mauvaises nouvelles concernant l'environnement.

Il n'y a pas de définition médicale de l'éco-anxiété. Si une personne craint que ses inquiétudes au sujet de l'environnement nuisent à sa vie quotidienne, à sa capacité de travailler ou à sa capacité à prendre soin d'elle-même, elle devrait en parler à un professionnel de la santé mentale.

Un nombre croissant de psychologues et d'autres professionnels de la santé mentale reçoivent une formation sur la façon d'aider à détecter et à gérer les peurs liées à l'environnement et au climat.


Comment le gérer ?


Bien que la résolution des problèmes environnementaux repose sur le changement sociétal, la contribution des gouvernements et la prise en charge par les entreprises de leurs contributions au changement climatique, les gens peuvent généralement gérer leurs propres réponses aux problèmes environnementaux en utilisant une gamme de stratégies. Il existe des solutions simples pour, sinon se libérer de l’éco-anxiété, au moins l’atténuer.

Quelques conseils pour gérer l'éco-anxiété :

Prendre part

Les gens peuvent trouver que prendre des mesures positives peut aider à réduire les sentiments d'anxiété et d'impuissance. Aider les autres a des avantages psychologiques bien établis.

Certaines actions positives peuvent inclure :

* parler aux autres des bonnes pratiques environnementales,
* bénévolat avec un groupe environnemental,
* faire des choix plus écologiques, y compris le recyclage et suivre un régime durable, comme manger moins de viande et de produits laitiers.

Les professionnels de la santé mentale peuvent aider les gens à identifier les problèmes qui les préoccupent le plus et à élaborer un plan qui leur permet de se sentir plus en contrôle des problèmes.

S'instruire

Obtenir des informations précises sur l'environnement peut autonomiser les communautés et les aider à se sentir préparées et résilientes en cas de crise.

S'appuyer sur des informations inexactes ou avoir un manque d'informations peut rendre difficile la compréhension et le traitement de problèmes abstraits tels que le changement climatique.

Les gens peuvent donc trouver un soulagement en s'instruisant sur les questions environnementales en utilisant des informations fiables et crédibles.

Miser sur la résilience

Les personnes qui ont une opinion positive de leur capacité à surmonter le stress et les traumatismes peuvent mieux gérer l'anxiété que les personnes ayant moins confiance en leurs capacités de résilience.

Pour renforcer l'autonomie, l'APA recommande :

* favoriser des relations bienveillantes et de confiance qui offrent soutien et encouragement,
* ne pas considérer les problèmes comme insolubles,
* se fixer des objectifs réalisables et avancer régulièrement vers eux,
* examiner les problèmes dans un contexte plus large,
* pratiquer de bons soins personnels et se concentrer sur une image de soi positive,
* garder des liens personnels avec des lieux et des liens culturels lorsque cela est possible,
* éviter l'isolement et essayer de se connecter avec des personnes partageant les mêmes idées.

Essayer de rester optimiste

Avoir un bon degré d'optimisme peut aider une personne à grandir et à s'adapter après avoir vécu des événements stressants tels que des catastrophes naturelles. Les personnes qui essaient de recadrer les choses de manière positive peuvent trouver que cela les aide à mieux gérer l'anxiété.

La pensée positive peut également aider à briser les cycles de pensées négatives associés à une anxiété chronique ou grave.

Favoriser un lien plus fort avec la nature

La re-connexion avec la nature, avec soi-même et le présent sont également bénéfiques afin de se rappeler de la beauté de notre environnement et de garder espoir, tout en maintenant sa santé physique et mentale.

Passer plus de temps à l'extérieur ou avec la nature peut aider à soulager l'anxiété écologique en encourageant une connexion personnelle positive avec l'environnement.

Certaines personnes recommandent même de garder une pierre, une brindille, une fleur séchée ou tout autre objet naturel qu'elles peuvent regarder et toucher lorsqu'elles se sentent déconnectées ou dépassées. Cela peut fonctionner de la même manière que les techniques d'ancrage que certains professionnels de la santé mentale recommandent pour gérer l'anxiété.

Être actif

L'exercice régulier peut aider à réduire la plupart des types d'anxiété. Marcher, courir ou faire du vélo au lieu d'utiliser des sources de transport à base de combustibles fossiles, lorsque cela est réaliste et sûr, encourage l'exercice fréquent et réduit les émissions individuelles de gaz à effet de serre.

Les personnes qui se rendent régulièrement au travail à vélo ou à pied semblent également ressentir moins de stress lié au trajet domicile-travail.

Savoir quand se désengager

Sans s'en rendre compte, les gens peuvent être très influencés par les informations qu'ils voient chaque jour dans les médias, la politique, la publicité et les plateformes de médias sociaux. Voir ces informations encore et encore peut causer du stress, surtout si elles sont inexactes, biaisées ou présentées d'une certaine manière.

Bien que les gens puissent tirer profit de se renseigner sur les problèmes environnementaux, le fait d'être exposé à une quantité écrasante d'informations ou à de nombreuses informations non fiables peut créer de l'anxiété.

Réévaluer les sources d'informations environnementales ou réduire ou débrancher les sources médiatiques, au moins temporairement, peut aider à réduire les niveaux de stress immédiats.

Voir un médecin

Un nombre croissant de professionnels de la santé mentale reçoivent une formation sur la façon d'aider les gens à gérer leur relation avec la nature et à faire face aux problèmes environnementaux modernes.

Les personnes souffrant d'une anxiété écologique grave ou d'une anxiété qui ne répond pas aux conseils de gestion à domicile peuvent avoir besoin d'une aide professionnelle pour gérer leur anxiété.

Pour obtenir une aide professionnelle pour l'éco-anxiété, une personne peut parler à un médecin de famille ou à un autre professionnel de la santé qui peut fournir des conseils sur la façon de se connecter avec un professionnel de la santé mentale approprié.

La Climate Psychology Alliance offre un soutien individuel et de groupe aux personnes souffrant d'éco-anxiété, ainsi qu'une formation pour les thérapeutes et les conseillers, y compris trois séances gratuites en face à face par téléphone ou Skype.


Le changement climatique : gérer les impacts sur la santé

Des chercheurs de la Georgetown University School of Medicine à Washington, dans un article publié par PubMed en novembre 2019, apportent des recommandations afin de gérer les impacts sur la santé dus au changement climatique.

Les concentrations de gaz à effet de serre continuent de s'accumuler dans l'atmosphère à un rythme croissant, réchauffant la surface de la Terre et déstabilisant le climat. Les impacts sur la santé du changement climatique peuvent inclure une morbidité et une mortalité accrues dues à l'aggravation de la santé cardio-pulmonaire, à l'aggravation des allergies et à un risque accru de maladies infectieuses et de maladies mentales, y compris l'anxiété, la dépression et le trouble de stress post-traumatique dus à des événements météorologiques extrêmes.

Les médecins de famille devraient conseiller aux patients de minimiser l'exposition à la pollution de l'air, qui est potentialisée par la hausse des températures. L'utilisation d'appareils d'auto-surveillance, le suivi des informations météorologiques locales et la connaissance d'événements tels que les incendies de forêt peuvent alerter les patients sur la mauvaise qualité de l'air ambiant.

Les personnes vulnérables doivent éviter les exercices intenses en plein air et rester à l'intérieur ou porter des masques de protection N95 lorsque la qualité de l'air est dangereuse.

Les médecins peuvent apprendre aux patients à reconnaître les premiers symptômes de la maladie de la chaleur et leur conseiller une hydratation et un refroidissement adéquats par temps chaud. Les médecins doivent prendre conscience des signes et symptômes des maladies à transmission vectorielle pour assurer un traitement précoce et limiter la propagation.

Les médecins doivent être conscients des avantages pour le climat et la santé du transport actif et des régimes à base de plantes lorsqu'ils conseillent leurs patients.

Les médecins peuvent avoir un impact positif sur la sensibilisation et les politiques relatives au changement climatique en incorporant des conseils, des préceptes de santé publique et un plaidoyer dans leur pratique.


Les jeunes dans le monde profondément anxieux

Le stress chronique causé par le changement climatique augmenterait les risques de problèmes mentaux et physiques pour ces jeunes qui à cette tranche d’âge se développent psychologiquement, socialement et physiquement. Cet impact sur leur santé sera d’autant plus important si les phénomènes météorologiques violents s’aggravent.

De nombreuses personnes se sont dites tristes, effrayées, anxieuses et ressentent de la peur, de la colère, du désespoir, du chagrin et de la honte. La destruction de la planète leur impacte personnellement.

L’éco-anxiété n’est pas uniquement liée à la destruction de l’environnement, mais elle est inextricablement liée à l’inaction du gouvernement face au changement climatique. Les jeunes se sentent abandonnés et trahis par les gouvernements.

Une enquête récente de la revue Sciences et Avenir souligne l’augmentation des troubles liés à cette peur du changement climatique chez les jeunes, tels que des troubles du sommeil, du comportement alimentaire, une plus grande fréquence des conflits familiaux, des adolescents qui s'opposent systématiquement à leurs parents sur les questions du tri sélectif, de l'alimentation bio, de l’utilisation de l’avion...

"Ado-Greta"

Le pédopsychiatre Stephane Clerget utilise ce terme d'"ado-Greta". Et c’est vrai qu’on comprend mieux soudain le succès mondial de Greta Thumberg auprès des jeunes, l’activiste suédoise qui avait inventé la "grève de l’école".

Elle est à la fois malade, elle souffre d’une forme d’autisme, mais elle est surtout désespérément inquiète et en colère contre les adultes impuissants. Elle est, en fait, comme la majorité des jeunes dans le monde.

Un mal encore peu traité

En psychologie, l’éco-anxiété n'est pas encore étudiée sur les bancs de l’Université. Mais les lignes commencent à bouger progressivement, sous l'influence des étudiants en psychologie qui réalisent des mémoires cliniques sur le sujet. Charline Schmerber, psychothérapeute, signale que ce n’était pas très bien accueilli au départ. Pour faciliter l'accompagnement des patients, la spécialiste travaille actuellement à la création d'une association regroupant un réseau de professionnels, qui donnera accès à un annuaire listant les praticiens spécialisés. Il devrait être disponible à la fin de l'année 2022.

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Une étude mondiale révèle l’ampleur de l’anxiété des jeunes face aux changements climatiques

Selon une étude menée dans dix pays par l’Université de Bath en collaboration avec cinq universités, financé par l’ONG climatique Avaaz et publiée en septembre 2021 par The Lancet Planetary Health, des jeunes adultes âgés de 16 à 25 ans se disent très inquiets ou extrêmement inquiets face au changement climatique.

L’étude se présente sous la forme d’un sondage effectué entre mai et juin 2021 par l’institut Kantar, dans 10 pays et auprès de 10.000 adolescents. Les jeunes interrogés proviennent notamment des Philippines, du Brésil, du Portugal, d’Inde, d’Australie, de France, du Royaume-Uni, du Nigeria, des Etats-Unis et de Finlande. C’est dans l’hémisphère sud que l’on s’inquiétait le plus.

Les résultats de cette étude internationale montrent aussi qu'une quasi-unanimité (83% des répondants) sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle "on a échoué à prendre soin de la planète". Plus de la moitié d'entre eux estiment par ailleurs avoir moins d'opportunités que leurs parents.

Les gouvernements pointés du doigt

L'enquête montre également un manque patent de confiance envers les gouvernements. Près de 4 jeunes sur 10 estiment que ces derniers ne protègent ni la planète, ni les générations futures et disent se sentir trahis par l'ancienne génération. Environ deux tiers des répondants considèrent même que les gouvernements les ont laissé tomber et qu'ils "mentent concernant l'impact sur leurs actions" dans le domaine climatique.

La crise de crédibilité est particulièrement palpable au Brésil, en Inde et au Portugal, qui représentent les trois pays où ce sentiment de trahison des gouvernements est le plus clair.

Pour la première fois, il est aussi démontré que la souffrance psychologique liée au climat est décuplée lorsque les mesures gouvernementales sont jugées inadéquates. Ce qu’on signale également c’est comment les lobbies rendent impossible absolument tout acte démocratique, tout en continuant toujours de culpabiliser les plus fragiles, qui “n’en font pas assez, ne trient pas bien leurs déchets, osent commander à emporter”.

Quelques chiffres

59% des sondés jugent être très ou extrêmement inquiets du changement climatique.

45% affirment que l’anxiété climatique affecte leur quotidien, sommeil, alimentation, travail et divertissements.

56% estiment que l’humanité est condamnée.

55% pensent qu’ils auront moins d’opportunités que leurs parents.

52% supposent que la sécurité de leur famille sera menacée.

39% hésitent à avoir des enfants.

Et majoritairement, ces jeunes se disent "apeurés", "tristes", "anxieux", "en colère", "impuissants", "sans défense" et même "coupables". C’est assez désespérant. Il n’y a que 30% des jeunes pour se dire "peu inquiet" ou "optimiste".

Et encore, ce sondage géant a été réalisé avant les dernières catastrophes climatiques de l’été, que sont les inondations en Allemagne et en Chine, les incendies à l’est de la Méditerranée, en Californie et en Sibérie. Sans oublier beaucoup d’autres phénomènes locaux comme les terribles orages dans le Gard. Autant d'événements qui contribuent à renforcer l’éco-anxiété.

39% hésitent à avoir des enfants
Est-ce que ces chiffres sont vraiment une surprise ?

On avait déjà une multitude de sondages et d'études qui nous disaient que les jeunes étaient très sensibles aux questions climatiques, mais on n’avait pas mesuré l’ampleur de l'anxiété. On savait que l’éco-anxiété progresse parmi les jeunes, mais on ne se doutait pas de l'étendue de la souffrance psychologique et la profondeur du mal-être. Les jeunes ont des raisons objectives d'être inquiets et anxieux. Les 75% de jeunes qui sont effrayés par les changements climatiques ne sont pas 75% à souffrir d’une pathologie.

Une crise de santé publique à venir ?

Face à des résultats aussi élevés, les auteurs de l'étude évoquent une "crise de santé publique émergente". Les chiffres montrent un important niveau de souffrance face au changement climatique et les chercheurs estiment que cette anxiété et l'insuffisance des réponses de l'action politique sont des facteurs de stress chronique.

Les chercheurs se sont dits émus par l’ampleur de la détresse des jeunes et craignent donc un impact négatif important sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes.

Mais l’étude du Lancet évoque une crise de santé publique qui se dessine. Le niveau de souffrance psychique et de stress chronique aura forcément des effets négatifs sur la santé des enfants et des adolescents. Quand on perd confiance en l'avenir, on est plus sujet à la dépression.

Solastalgie. On parle de "solace"– c’est le refuge – et "algie" – la douleur –. C’est la maladie de la douleur de perdre son refuge. Ou, en l’occurrence, la planète. C’est un philosophe australien qui avait inventé ce terme, il y a 20 ans, après avoir étudié les habitants d’une vallée qui avait été ravagée par l’industrie minière. Ils avaient perdu leur habitat, leur cadre de vie et souffraient de dépression.

Les impacts sanitaires du changement climatique peuvent inclure une morbidité et une mortalité accrues dues à l’aggravation des problèmes cardio-pulmonaires, l’aggravation des crises allergiques et un risque accru de maladies infectieuses et de maladies mentales, y compris l’anxiété, la dépression et un trouble de stress post-traumatique dus à des événements météorologiques extrêmes selon un article de novembre 2019 de l’American Academy of Family Physicians (AAFP).

Un besoin urgent d’action qui a été compris par tout le monde, sauf par les concernés : les grands pollueurs. Un appel qui a été récemment souligné une nouvelle fois par trois rapports spéciaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : le rapport spécifique sur le réchauffement planétaire de 1,5°C, le rapport spécifique sur le changement climatique et les terres, et le rapport spécifique sur l’océan et la cryosphère. De même, le rapport 2019 du Lancet Countdown on Health and Climate Change a mis en évidence l’émergence de risques sanitaires potentiellement catastrophiques pour un enfant né aujourd’hui si une réponse adéquate au changement climatique n’intervient pas.

Ces risques sanitaires sont notamment des taux accrus d’insécurité alimentaire et de dénutrition, de maladies diarrhéiques et infectieuses, et des complications dues à la pollution de l’air, une augmentation de la morbidité et de la mortalité dues à l’exposition à des événements météorologiques extrêmes (par exemple, les vagues de chaleur, tsunamis, montée des océans, incendies de forêt, ouragans, sécheresses…).

Malgré les preuves scientifiques écrasantes disponibles et le plaidoyer public croissant, lors de la Conférence des Nations Unies de 2019, un petit groupe de gouvernements continue de faire obstacle à des progrès significatifs, conduisant à des résultats inadéquats. Comme le premier rapport sur l’écart de production l’a clairement indiqué en 2019, les gouvernements pourtant signataires des Accords de Paris prévoient toujours de produire environ 120% de plus de combustibles fossiles que ce qui serait compatible avec la limitation du réchauffement à 1,5°C.

Si les jeunes représentent l’avenir et sont nos futurs dirigeants, il serait peut-être temps de prendre en compte leur santé mentale. Cette étude qui fait état de la détresse générale chez les jeunes populations pourrait jouer un rôle dans les poursuites judiciaires liées au changement climatique, car elle pourrait fournir la preuve d’un préjudice moral en vertu de la loi sur les droits de l’homme.

Selon les chercheurs si la recherche peut aider à tenir les organismes gouvernementaux responsables… ce serait extraordinaire. Cela donnerait une voix aux enfants les plus vulnérables, et prendre plus en compte l’éco-anxiété comme un réel problème et non un “effet flocon de neige”, comme s’inquiéter des ours polaires, ce que pensent les détracteurs.

Des réactions encore jugées exagérées par les “adultes matures”

Comment ne pas penser à Greta Thunderg, cette jeune activiste précisément dans la tranche d’âge des sondés qui depuis 2018 donne un visage à la colère et la détresse des jeunes générations. En s’adressant directement aux puissants et en leur demandant de réparer le préjudice qu’ils ont commis, la jeune fille s’est exposée à une folie médiatique qui a déchaîné les experts au sujet de l’adolescente.

Ainsi la nature de son discours sera rapidement éclipsée pour faire place à des commentaires sur son physique, son âge, sa différence dû à son syndrome d’Asperger ou la pseudo-manipulation de ses parents.

Et tandis que son discours est relayé et soutenu par suffisamment de gens, dont les jeunes, la reconnaissant comme une des personnalités les plus influentes de l’année 2019, l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump, ancienne tête au sommet de la première puissance mondiale et climato-sceptique notoire, l’insultait sur Twitter, lui conseillant de “travailler sur ses problèmes de colère” et “d’aller se détendre en regardant un film avec un ami”.

Il y a bien, cependant, quelque chose sur lequel ses détracteurs ont vu juste, c’est la colère, et la difficulté de “se détendre” des jeunes face aux dirigeants politiques qui continuent de ne pas prendre en compte l’avenir. En même temps, comportement compréhensible, puisque ce ne seront pas eux qui devront vivre avec les conséquences de leurs décisions.

Selon l‘Agence Française du Développement, le seuil des +1,5°C pourrait être franchi dès 2030. Or, en 2030, les générations 15–25 ans, qui sont nées entre 1995 et 2005 en moyenne, auront entre 25 et 35 ans, pleine population active donc. Alors que nos gouvernants mondiaux actuels, qui ont pour moyenne 60 ans auront… 72 ans !

« No one seems to understand the kids these days
Personne ne semble comprendre les enfants ces jours-ci
Nadie parece entender a los niños en estos días

“The Kids are Coming”
And why we live this way
Et pourquoi on vit comme ça
Y por qué vivimos de esta manera

We got to clean up the mess you’ve made
Nous devons arranger le désordre que vous avez fait
Tenemos que limpiar el desastre que han hecho

Still you don’t wanna change
Puisque vous ne voulez toujours pas changer
Ya que todavía no quieren cambiar

You create the law
Vous créez les lois
Ustedes crean la ley »

Extrait de la chanson “The Kids are Coming, de Tones and I. Cumulant plus de 15 millions de vues sur Youtube, ce single sorti en 2019 traite spécifiquement de ce ressentiment de la jeunesse envers les gouvernants.

Donner la voix aux concernés est un problème majeur et qui a beaucoup de spécificités. Et comme le dit Tones and I dans sa chanson, “We don’t just protest for the fun / Nous ne manifestons pas juste pour le plaisir.” Au moins, nous espérons que ces prises de conscience donneront lieu à de réelles mesures, et dont les effets ne seront pas seulement visibles d’ici dix, quinze ou vingt ans. Car pas tout le monde ne possède pas ce temps, tout simplement, et c’est là la cause de cette éco-anxiété qui touche 3 jeunes sur 4, partout dans le monde.

L'éco-anxiété, un moteur de mobilisation pour sauver la planète

L’étude révèle l’accélération du phénomène d’éco-anxiété chez les jeunes du monde entier. Si ce phénomène paraît dramatique de prime abord, il est porteur d’espoir tant la nouvelle génération a une conscience aigüe de l'urgence climatique. On peut y voir un moteur de mobilisation à condition que médias et politiques montrent qu’une alternative est possible.

Ce stress pourrait toutefois être un levier positif à actionner. Ces chiffres montrent que les jeunes générations ont pris conscience que le monde actuel était en péril, et qu’un sursaut est nécessaire. Être en phase avec la réalité, ne plus être dans le déni est une première étape primordiale vers la transition. Leurs craintes sont ancrées dans la réalité et reflètent une compréhension honnête de l’urgence.

Information et solution

Reste à leur montrer que tout n’est pas perdu pour que cette climato-dépression débouche sur des actions. Et la presse a un rôle à jouer. Si chroniquer les rapports du Giec est une nécessité, il est indispensable d’aller plus loin. Il faut mettre en lumière des modèles de résilience, faire émerger des initiatives qui fonctionnent.

Les spécialistes de la communication environnementale soulignent depuis longtemps que l’un des principaux obstacles à la mobilisation est une communication trop orientée sur la peur. Le défi consiste plutôt à associer l’alarmisme et la capacité d’agir. La combinaison de la peur et de l’aptitude à agir induit ce qu’on appelle la "maîtrise du danger", c’est-à-dire des actions visant à atténuer le danger. C’est l’inverse de la "maîtrise de la crainte", qui tend plutôt au déni et à l’inaction.

L’autre réponse à apporter à l’éco-anxiété est politique. La majorité des jeunes interrogés estiment que les gouvernements ne prennent de mesures à la hauteur et font état d’un plus grand sentiment de trahison que de réconfort. L’ONG Avaaz estime ainsi que l’anxiété climatique des jeunes est liée à l’inaction des gouvernements. La solution doit également venir d’eux.



Le seul moyen de faire disparaitre cette éco-anxiété serait que ses causes disparaissent et que les moyens nécessaires au niveau international soient mis en œuvre pour contrer les changements climatiques. La détresse des jeunes est en effet liée à la crise environnementale, mais aussi à l’échec des plus puissants – adultes et gouvernements – à y répondre.

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