samedi 25 juin 2016

La Maladie de Lyme ou Borréliose


La bactérie Borrelia burgdorferi est transmise par la piqûre d'une tique infectée


La maladie de Lyme ou "borréliose de Lyme" est une maladie infectieuse répandue mondialement, due à une bactérie appelée Borrelia burgdorferi, transmise par l'intermédiaire d'une piqûre de tique infectée. Cette zoonose peut toucher plusieurs organes et systèmes, la peau mais aussi les articulations et le système nerveux. Non traitée, elle évolue sur plusieurs années ou décennies en trois stades de plus en plus graves. Le traitement repose sur la prise d'antibiotiques, il sera d'autant plus efficace qu'il sera administré rapidement.

La maladie de Lyme a été "redécouverte" lors d’une épidémie d’arthrites inflammatoires infantiles à Old Lyme, au Connecticut (USA). En 1972, il y eu l’apparition des premiers cas d’arthrite épidémique simulant des poussées de polyarthrite rhumatoïde chez des sujets jeunes dans trois communes, à l’Est du Connecticut : Lyme, Old-Lyme et East Haddam, d’où le nom de maladie de Lyme aux USA et de borréliose de Lyme, en Europe.


Epidémiologie


Cette maladie est principalement transmise par les piqûres de tiques contaminées. Cette borréliose montre une répartition limitée à l'hémisphère nord et à une altitude inférieure à 1000 m.

Le risque  lors de promenade en forêt ou dans les herbacées  de se faire mordre par une tique augmente lorsque la température se réchauffe dans les bois au printemps et se poursuit jusqu'à l'automne. Les tiques peuvent cependant être actives l'hiver, si celui-ci est doux et qu'il tombe peu de neige.

Le réservoir de germes est très vaste : tiques, mammifères domestiques (chiens, chevaux, bétail) et sauvages (écureuils, cerfs, mulots, campagnols).

Les tiques ne sont pas naturellement infectées, elles se contaminent en se nourrissant du sang des animaux sauvages infectés. Les tiques ne se déplacent pas loin par elles-mêmes. Cependant, la propagation des populations de tiques par différents vecteurs (rongeurs, oiseaux migrateurs, animaux domestiques) fait qu'il est possible de se faire mordre en dehors des bois et des espaces naturels. Elles peuvent par exemple se coller aux oiseaux migrateurs et tomber loin de leur emplacement d'origine.

Les personnes à risque. Les personnes les plus exposées sont les professionnels travaillant en forêt (forestiers, bûcherons, gardes forestiers…), et ceux qui y vont pour leurs loisirs : les campeurs, les chasseurs, les golfeurs, les pêcheurs, les ramasseurs de champignons, les randonneurs, les campeurs… et les promeneurs du dimanche.


Symptômes et signes de la maladie de Lyme

La maladie de Lyme se manifeste dans les trois à trente jours après la morsure de la tique par une plaque rouge, inflammatoire, apparaissant sur la peau autour du point de piqûre, qui siège le plus souvent aux membres inférieurs. La plaque va s’étendre parallèlement à la guérison du centre ce qui va donner une espèce d’anneau en extension, appelé “érythème chronique migrant”. Cette plaque peut s’accompagner de fièvre, puis disparaître spontanément en quelques semaines.

Après l'inoculation cutanée de la bactérie lors de la piqûre de tique, la maladie de Lyme évolue en trois grandes phases, séparées par des périodes asymptomatiques (absence de signes de la maladie).

Phase primaire


La phase primaire est caractérisée par une lésion cutanée : l'érythème chronique migrant. Cette lésion survient ente 3 et 30 jours après la piqûre de tique. Il s'agit d'une papule érythémateuse (rouge) centrée par le point de piqûre, s'étendant progressivement de façon centrifuge. Elle est habituellement non prurigineuse (absence de grattage) et siège préférentiellement aux membres inférieurs (parfois aux membres supérieurs, voire au visage chez l'enfant).

Des manifestations générales (maux de tête, douleurs articulaires, légère ascension de la température corporelle, fatigue) et des ganglions proches de la lésion cutanée peuvent être associés traduisant la dissémination de la bactérie dans l'organisme. En l'absence de traitement, l'érythème évolue pendant quelques semaines (extension progressive) et disparaît sans séquelle.

Si la maladie de Lyme n’est pas traitée à ce stade, les signes peuvent néanmoins s’estomper spontanément et, pendant une période de latence clinique, l’infection va diffuser et activer le système immunitaire.

Phase secondaire


La phase secondaire survient plusieurs semaines ou mois après la disparition de l'érythème mais peut révéler la maladie. Cette phase se caractérise par :

* Des manifestations cutanées : il s'agit de lésions semblables à celles observées lors de la phase primaire de la maladie ;

* Des manifestations articulaires : douleurs articulaires fréquentes. Les arthrites sont moins fréquentes et touchent les grosses articulations (genou) ;

* Des manifestations cardiaques : syncopes (perte de connaissance), palpitations (sensation de battement cardiaque dans la poitrine), douleurs thoraciques et surtout troubles de la conduction auriculo-ventriculaire (le "courant électrique" circulant normalement des oreillettes aux ventricules est interrompu de façon sporadique pouvant entraîner de graves problèmes cardiaques). Ces manifestations cardiaques évoluent le plus souvent vers la guérison sans séquelle ;

* Des manifestations neurologiques : la radiculite hyper algique (inflammation très douloureuse des racines des nerfs innervant le territoire de la piqûre de tique). Le nerf facial est fréquemment touché. Une méningite peut également s'observer.

Phase tertiaire


Elle se manifeste des mois ou des années après le début de l'infection par :

* Des atteintes cutanées : la maladie de Pick Herxheimer (inflammation cutanée évoluant vers une atrophie de la peau), le lymphocytome cutané bénin (nodules violacés, arrondis, à contours nets, fermes, localisés sur le front, le lobe de l'oreille et régressant spontanément en quelques mois) ;

* Des atteintes articulaires : identiques à celles observées dans la phase secondaire ;

* Des atteintes neurologiques : touchant la moelle épinière ou le cerveau (manifestations neuro-psychiatriques diverses).

Ce stade de la maladie correspond à des séquelles qui sont peu régressives et vont durer des années.

Après l’infection aiguë, qui est surtout cutanée, l’infection non soignée peut passer par une phase dormante puis affecter la plupart des organes (articulations, cœur, ganglions et système nerveux), de manière aiguë et/ou chronique, avec des effets différents selon les organes et les patients (rôle non négligeable de l’immunité).

Des séquelles et rechutes sont possibles et il peut y avoir un chevauchement entre les phases. La maladie, au fil des “cycles infection-inflammation-cicatrisation”, peut aboutir finalement à des cicatrices responsables de handicaps physiques et mentaux définitifs.

Les signes les plus fréquents de la maladie de Lyme


Ces signes varient en fonction du stade de la maladie, avec la possibilité de chevauchement des stades, et en fonction du terrain immunitaire.

Il peut y avoir une absence totale de symptômes chez certaines personnes. D'autres peuvent éprouver des symptômes graves, mais des semaines seulement après la morsure.

Les principaux signes seront une association à différents degrés de : fatigue, fièvre (avec ou sans des frissons), gros ganglions, éruption cutanée, maux de tête, faiblesse musculaire, engourdissements ou picotements, douleurs articulaires ou arthrites, troubles du système nerveux (paralysies), trouble de la cognition (difficultés à penser) et un rythme cardiaque irrégulier.

En l'absence de traitement antibiotique, les signes peuvent durer des mois, voire des années.


Diagnostic et tests

La difficulté du diagnostic de la maladie de Lyme vient du fait qu’elle atteint de nombreux organes et que, quand la plupart des signes apparaissent, la morsure de tique est habituellement guérie et oubliée. Les personnes atteintes ne font pas nécessairement le lien entre la maladie et une morsure de tique.

Ces atteintes infectieuses de différents organes et systèmes peuvent se manifester seules ou de manière associée, ce qui complique le diagnostic. D’autant, qu’à ce stade, le diagnostic est souvent difficile car il n’y a plus de trace de piqûre.

Le diagnostic de la maladie de Lyme repose essentiellement sur les signes cliniques observés.

Afin de préciser le diagnostic, il est possible de réaliser des examens pouvant mettre en évidence dans le sang des anticorps  sérologies  témoignant d’une réponse de l’organisme à l’infection bactérienne.

Au laboratoire, le diagnostic biologique repose sur deux tests réalisés en deux étapes : une étape de “screening ”  dépistage  par une technique ELISA, confirmée obligatoirement par une seconde réaction appelée immuno-empreinte ou “Western-Blot” selon les recommandations.

Un examen par PCR (Polymerase Chain Reaction), est la technique de référence : elle permet de mettre en évidence l’ADN  de la bactérie. La PCR est indiquée dans les cas douteux, en particulier les maladies avec discordance entre la clinique et la sérologie.

En cas d’atteinte du système nerveux, la recherche d’anticorps dans le liquide qui entoure le cerveau  liquide céphalo-rachidien  par ponction lombaire (dans le bas du dos) peut aider à poser le diagnostic en cas de méningo-radiculite ou de méningo-encéphalité.


Traitement de la maladie de Lyme

Lors de la première phase de la maladie, le traitement a pour but d'assurer la disparition des premiers symptômes de la maladie et de prévenir la survenue des manifestations tardives en éradiquant le germe des organes pouvant être infectés.

Ainsi, pour chaque phase et selon la sévérité de la maladie, le traitement peut varier et peut nécessiter une hospitalisation. Il consiste à administrer un antibiotique (amoxicilline ou doxycycline) éventuellement associé à un corticoïde.

En l’absence de traitement, la maladie peut causer, quelques semaines, mois ou années plus tard, des douleurs articulaires ou des arthrites et d’autres lésions cutanés, cardiaques ou neurologiques en cas de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire.

La phagothérapie


La Borrelia responsable de cette maladie se soigne par antibiotiques, mais les traitements sont lourds et ne l’éliminent pas toujours. Faisant partie des bactéries les plus rapides et les plus mobiles que l’on connaisse, elle capable de se loger dans tous les tissus du corps humain, se rendant comme invisible et, de ce fait, inatteignable par les antibiotiques. Pendant toute la durée du traitement, elle peut se localiser sous forme de kyste spongieux, attirant les globules blancs qui finissent par s’agglutiner et ainsi la dissimuler. La bactérie s’en sort saine et sauve en laissant des lésions créées par l’amas de globules blancs.

Les bactériophages ne peuvent pas véritablement tuer Borrelia, mais ils permettent en revanche de grandement la fragiliser. En la délogeant, le phage aide à exposer la bactérie à l’action des antibiotiques qui peuvent ensuite la détruire.


Prévention de la maladie de Lyme

La meilleure façon de se protéger de la maladie de Lyme consiste à éviter les morsures de tiques.

Lors d’une promenade dans les zones boisées ou envahies par la végétation, du printemps à l’automne, il vaut mieux porter des chaussures fermées, des pantalons et des chandails à manches longues. Il peut même être conseillé de rentrer les jambes de pantalon dans les chaussettes dans les zones où la maladie de Lyme sévit tout particulièrement. Dans ces circonstances, il peut même être nécessaire d’utiliser un insectifuge à appliquer sur la peau découverte.

Il est généralement conseillé de porter des vêtements de couleur claire afin de repérer les tiques plus facilement et de les faire tomber avant qu’elles ne pénètrent sous les vêtements.

Les tiques se fixent à la peau mais leur élimination dans les 24 à 36 heures prévient habituellement l'infection. Il faut effectuer des inspections sur le corps des enfants et des chiens à la recherche de tiques après une promenade en forêt. La prise d’une douche ou d’un bain après la sortie est une bonne manière de le faire.

Réduire la présence des tiques près de sa maison


Pour empêcher les tiques de s'établir près des maisons d'habitation (si elle sont situées près d’une zone sauvage ou d’un bois), il est conseillé de tondre régulièrement la pelouse et d’entretenir la cour. Il faut aussi retirer les feuilles mortes, les broussailles et les mauvaises herbes en bordure de la pelouse et près des murs de pierre.

Il faut empêcher l'activité des rongeurs en nettoyant et en scellant les murs de pierre et les petites ouvertures autour de la maison.

Il faut empêcher les animaux domestiques, et particulièrement les chiens, d'aller dans les bois et mettre éventuellement des répulsifs à tiques sur les animaux domestiques.




samedi 18 juin 2016

Phagothérapie : Des Virus Contre les Bactéries Resistentes aux Antibiotiques



Des virus contre les bactéries, un espoir renouvelé pour traiter les infections résistantes aux antibiotiques


Les antibiotiques ont constitué l’une des grandes avancées médicales du XXe siècle pour faire reculer les principales maladies infectieuses : tuberculose, lèpre, pestes, nombreuses infections sexuellement transmissibles… Toutefois, leur utilisation massive et parfois excessive chez l’homme comme chez l’animal, combinée au ralentissement dans la découverte de nouvelles classes d’antibiotiques, aboutit aujourd’hui à ce que se développent de plus en plus de bactéries résistantes aux traitements existants.

Les antibiotiques ont atteint leur limite. Les bactéries se sont de plus en plus adaptées et obligent à des traitements de plus en plus lourds et toxiques qui associent parfois plusieurs antibiotiques. Autre phénomène qui prend de l’ampleur : les infections associées aux soins, qui sont acquises lors de l’hospitalisation  maladies nosocomiales . Une part croissante d’infections acquises à l’hôpital est due à des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques.

Globule blanc entouré de bactéries
L’antibio-résistance  c'est-à-dire la résistance croissante des microbes aux antibiotiques  est un problème majeur au niveau national et international. L’utilisation massive des antibiotiques chez l’homme et chez l’animal a conduit à la sélection de bactéries multi-résistantes. Par ailleurs, l’OMS a constaté une hausse considérable de l’antibio-résistance au cours de ces 30 dernières années et a averti que si rien n'était fait pour éviter le mauvais usage des antibiotiques ou trouver de nouvelles molécules, le monde allait se diriger vers une ère post-antibiotique, dans lequel les infections courantes pourront recommencer à tuer.

La recherche sur les antibiotiques étant dans une impasse face à ces résistances (qui par ailleurs évoluent très rapidement), la redécouverte de la phagothérapie pourrait devenir une alternative intéressante.

Depuis une quinzaine d'années, cette thérapie ancienne fait l'objet d'un regain d'intérêt dans des pays comme les Etats-Unis, la Belgique ou la France, parallèlement au développement de l'antibio-résistance,  un défi à l'échelle de la planète. Aujourd'hui, l'antibio-résistance et l’absence de développement de nouveaux antibiotiques ont remis la phagothérapie sur le devant de la scène.


¿ Qu’est-ce que la phagothérapie ?


Cycle de vie des bactériophages
La phagothérapie  découverte pendant la Première Guerre mondiale et développée dans les années 1920 et 1930  est fondée sur l'utilisation de virus mangeurs de bactéries (ou phages) afin de traiter certaines maladies infectieuses d’origine bactérienne.

“Phage” correspondant à la racine grecque de “nourriture”, littéralement un bactériophage est une “entité”, en fait un virus, qui mange les bactéries.

Il existe une immense diversité de phages qui sont omniprésents dans notre environnement (dans l'eau de mer, les lacs, les égouts), y compris dans notre système digestif. Une particularité des phages est d’être chacun très spécifique d’un type de bactérie précis, ce qui présente un double avantage : n’attaquer que la bactérie pathogène sans tuer les “bonnes bactéries”  contrairement aux antibiotiques qui ont un large spectre , et surtout ne pas infecter les cellules humaines. Le virus phage pénètre dans la bactérie, il se multiplie et la détruit. Les phages sont éliminés lorsque la bactérie pathogène est éradiquée.

Les phages ont, la plupart du temps,
une forme de champignon

Les bactériophages représentent la biomasse la plus importante de la planète. Considérant qu’il y en aurait dix à cent fois plus que de bactéries, on dénombre en moyenne 107 phages par ml dans les milieux liquides et jusqu’à 109 dans les sédiments.

Dans un corps humain en particulier, nous avons en moyenne 5 kg de bactéries ouvrières sans lesquelles nous ne pourrions pas survivre. En première ligne il y a la flore intestinale qui est la principale gardienne de notre santé.


Brève histoire


Découverts en 1915 par Frederick W. Twort à Londres, puis observés de nouveau en 1917 par Félix d’Hérelle, et isolés par ce dernier, ces virus mangeurs de bactéries connurent dès cette époque leurs premières applications dans le traitement de grosses infections, et révélèrent publiquement leurs premiers succès au début des années 1920.

Ces phages, ici en jaune, étudiés à l'Institut Pasteur,
vont venir à bout d'une bactérie
George Eliava, qui avait travaillé à l'Institut Pasteur de Paris  avec d'Hérelle, a fondé en 1923 à Tbilissi (Géorgie) un institut de virologie. C’est ensemble, dans des locaux adaptés, qu’ils ont développé à partir de 1930 l’étude des bactériophages et l’application de la phagothérapie pour l’ensemble de l’Union Soviétique.

L’Institut George Eliava possède une grande collection de bactériophages thérapeutiques. Les phago-thérapeutes géorgiens ont quatre-vingts dix ans d'expérience clinique dans ce domaine.

En Pologne, un Institut d’immunologie et de thérapie expérimentale a aussi poursuivi jusqu’à nos jours l’utilisation de la phagothérapie.

Dans le reste du monde, avant la deuxième Guerre Mondiale, la commercialisation de produits phagiques a été entreprise par de grands groupes pharmaceutiques comme Eli Lilly aux États-Unis, Robert & Carrière (absorbé aujourd’hui par Sanofi-Aventis) en France.

Lorsqu'on a découvert les antibiotiques en 1941, ceux-ci ont été largement commercialisés aux États-Unis et en Europe, de sorte que la plupart des scientifiques occidentaux ont cessé d'employer et d'étudier la phagothérapie.

Préparations de bactériophages de 1930
Collection de l'Institut Eliava
La guerre froide a interdit à la médecine des pays d’Europe de l’Est l’accès aux antibiotiques produits par l’industrie pharmaceutique occidentale. Coupés des progrès occidentaux en matière de production d'antibiotiques, les scientifiques du monde soviétique ont continué à perfectionner leurs traitements. Ainsi, une des plus importantes banques de phages se trouve à Tbilissi, en Géorgie. Aujourd'hui, l'Institut ne reste fonctionnel que grâce au soutien de structures occidentales et de l'Etat géorgien.

La Defense Threat Reduction Agency, fondée dans le but de "protéger les Etats-Unis et ses intérêts des armes de destruction massive", a investi dans la rénovation du bâtiment principal d'Eliava et des laboratoires et finance plusieurs projets scientifiques, notamment sur les bactériophages contre le choléra.

Phage – staphylococcus-aureus
C’est à Tbilissi, en Géorgie, que se trouve le Phage Therapy Center qui propose également un programme de traitement contre les infections réfractaires aux thérapies classiques. Les témoignages de guérisons inespérées sont aussi nombreux qu’étonnants. Et les études menées sur des patients dont l’état de santé était dramatique relate que ces personnes, condamnées à une mort certaine, ont ainsi été traitées par des phages, et toutes ont été sauvées par ces derniers.

En Russie, cette technique a été conservée, si bien que les phages sont utilisés jusque dans l’espace, pour soigner les astronautes. En effet, lorsqu’on tourne les yeux vers les pays de l’Est, on y découvre une avancée incroyable dans le traitement des infections les plus graves, ainsi qu’une véritable recherche scientifique dédiée à cette méthode délaissée.


Réhabiliter la phagothérapie dans les pratiques de la médecine occidentale


Depuis les années 1990, l’utilisation des bactériophages est reconsidérée dans de nombreux pays devant le double constat du développement inquiétant des infections nosocomiales à bactéries multi-résistantes et de l’absence de nouveaux antibiotiques efficaces.

D’un point de vue réglementaire, différentes options sont à l’étude par la Federal Drug Administration aux Etats-Unis ou par l’Agence européenne du Médicament au sein de l’UE,  pour permettre l’application d’une réglementation spécifique et adaptée aux traitements de phagothérapie. En termes de validation scientifique, des études cliniques solides chez l’homme commencent à pouvoir être menées sporadiquement grâce à quelques financements qui ont été débloqués.

Depuis 2011, les phages sont classés comme médicaments par l'Union européenne. Leur production doit être encadrée et il faut faire des essais cliniques pour tester leur efficacité et s'assurer de leur innocuité.

Les phages ne peuvent plus se passer d'études cliniques et d'autorisations de mise sur le marché pour être commercialisés. Ils doivent emprunter le même chemin que s'ils étaient de toutes nouvelles molécules, jamais testées sur l'homme.

Le projet Phagoburn


Un phage s'attaque à l'Escherichia coli.
Il va se servir de la bactérie pour se
multiplier et la détruire
L'UE a lancé en 2013 pour une durée de 36 mois, un premier projet dans ce domaine, baptisé "Phagoburn" pour tester des phages contre des bactéries résistantes s'attaquant aux plaies de grands brûlés. Au total, 12 patients recrutés en France, en Belgique et en Suisse doivent participer à l'essai.

Sans attendre les résultats de l'essai, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a donné sa première autorisation de traitement à titre compassionnel en novembre 2015 pour un brûlé grave.

Cet essai européen évalue deux cocktails  associations de différents phages visant à cibler une bactérie en particulier  contre deux espèces bactériennes, colibacille et pyocyanique, sur des brûlures infectées.

Pour subvenir aux besoins de l’essai clinique, les phages devaient être produits selon les normes de l’industrie pharmaceutique, appelées « bonnes pratiques de fabrication ».


Avantages de la phagothérapie


La phagothérapie est généralement considérée comme sûre. Elle a une action rapide, quasi immédiate, dès que la bactérie exacte est identifiée et que les phages sont administrés. Les bactériophages sont souvent très spécifiques, ne s'adressant qu'à une seule ou qu'à quelques souches de bactéries bien déterminées. Les phages sont choisis de façon à ne pas nuire aux bactéries utiles comme celles qui sont normalement présentes dans la flore intestinale, sur les muqueuses ou sur la peau. Ainsi sont réduites les probabilités d'infections opportunistes qui se développent après la sélection de certaines bactéries minoritaires au cours d’une antibiothérapie.

La phagothérapie pourrait être utilisée dans les infections qui touchent les os et les articulations, mais également dans d'autres infections, urinaires, pulmonaires, oculaires.

L’avantage clé de la phagothérapie est qu’elle fonctionne sur des souches bactériennes résistantes aux antibiotiques sans les rendre de plus en plus récalcitrantes au fil du temps, car le phage répond à un processus naturel permettant un équilibrage des bactéries.

À l’inverse des antibiotiques qui, à cause de leur spectre trop général, ont habituellement un effet plus général, détruisant aussi bien les bactéries nuisibles que la flore intestinale (nos bactéries internes), les phages ont l’avantage de cibler précisément une seule bactérie tout en évoluant, en s’adaptant de façon coordonnée avec cette dernière, faisant face ainsi à ses possibles résistances.


Limites de la phagothérapie


Leur application chez l’homme paraît limitée aux seules infections où le bactériophage peut être amené au contact de la bactérie. Tous ce qui nécessite l’injection de phages  septicémies, infections parenchymateuses  paraît voué à l’échec puisque les phages seront en principe détruits par le système immunitaire.

Les bactériophages ne pénètrent pas dans les cellules autres que les bactéries. Ils sont inappropriés pour traiter les infections provoquées par les bactéries à multiplication intracellulaire.

Bactérie entourée de phages
L’administration efficace de bactériophages nécessite un diagnostic précis de l’infection. Non seulement il est essentiel de savoir quelle espèce de bactérie cause l’infection, mais aussi quelle souche de celle-ci. Comme avec les antibiotiques, les bactéries peuvent acquérir des résistances aux bactériophages utilisés dans les traitements.

Autre limite à l’usage des virus tueurs de bactéries : la protection de l’équilibre biologique de l’environnement.

Dans la mesure où les produits destinés à la phagothérapie ne contiennent que des phages naturels, ceux-ci seront impossibles à protéger par un brevet, puisqu’issus de la nature.

Les laboratoires pharmaceutiques ne s’intéressent pas à ce projet car les bactériophages ne sont pas brevetables, et donc pas rentables. Pherecydes-Pharma est le seul laboratoire privé à tester des médicaments à base de phages, capables de soigner des staphylocoques dorés et certaines infections respiratoires.


Application des phages dans l'agro-alimentaire


Les maladies transmises par les aliments (ETA) sont celles de nature infectieuse ou toxique, causées principalement par la consommation de boissons ou aliments contaminés. L’Organisation mondiale de la santé estime que 2 millions de personnes meurent de maladies diarrhéiques chaque année.

La salubrité des aliments et de l’eau est un enjeu mondial et il est facile de voir les effets dévastateurs de la contamination des aliments dans les nouvelles du marché de presque toutes les régions. C’est en jeu le marché mondial car ce sont des centaines de millions de dollars en produits alimentaires qui sont enlevés et jetés à cause de la pollution, l’infection humaine, la maladie et la mort.

Le risque d’acquérir une maladie transmise par la nourriture (ETA) se produit lorsque les aliments sont altérés et contaminés par des bactéries pathogènes ; un tel événement a lieu par contamination croisée par le biais de la matière première, le processus ou le travailleur.

Dans l'industrie agroalimentaire, la phago-prophylaxie a été envisagée pour éliminer les bactéries potentiellement pathogènes dans la chaîne alimentaire depuis les élevages jusque dans l’industrie de transformation.

Contrôle de la Salmonella
dans la production aviar
Aux Etats-Unis on s'en sert pour détruire certaines bactéries susceptibles de contaminer des produits alimentaires frais comme la viande, les volailles et le poisson. La FDA a autorisé depuis plusieurs années la mise sur le marché d’une préparation commerciale destinée à éradiquer l’espèce Listeria dans les fabrications issues de l’industrie laitière. Il a aussi été imaginé un usage agro-alimentaire à plus grande échelle et notamment en aquaculture pour réduire l’usage intensif des antibiotiques.

Le Listex, par exemple, une préparation hollandaise de phages qui s'attaquent aux bactéries responsables de la listériose, a été approuvé aux Etats-Unis, au Canada, et est potentiellement utilisable en Europe.

Les polymères d'origine microbienne sont des produits uniformes et purs. Dans le cas de la cellulose bactérienne, produite par exemple par Acetobacter xylinum, ces caractéristiques permettent de produire des membranes acoustiques de grande fermeté et ainsi de soutenir avec succès la concurrence de la cellulose végétale.

Un produit appelé Agriphage est actuellement appliqué à une vaste gamme de cultures pour combattre des bactéries spécifiques avec un succès remarquable ; le traitement des plantes depuis la phase de semences jusqu’à son développement, donne comme résultat une grande variété de cultures dont l’agro-industrie allant des tomates, poivrons, laitue, chou et melons, à des cultures telles que fraises, pommes, poires, et même des agrumes et plantes ornementales. Cette technologie rend possible le traitement de pratiquement tous les types de cultures agricoles, dans chaque région géographique et dans  des diversités des climats.

La biopréservation est une méthode de conservation qui vise à allonger la durée de conservation des aliments et améliorer la sécurité. Les bactéries lactiques, en raison de leurs caractères technologiques, nutritionnels et éventuellement thérapeutiques, jouent un rôle central dans le traitement du lait pour obtenir des produits fermentés comme les fromages et les yoghourts. Par la fermentation, les bactéries lactiques confèrent les propriétés organoleptiques et rhéologiques particulières aux produits laitiers fermentés.

En matière de biotechnologie, les bactériophages peuvent être utilisés comme indicateurs de pollution fécale dans l’eau et le sol ainsi que dans la lysotypie et identification des bactéries. Ils sont récemment utilisés comme contrôle biologique dans les aliments, s’appliquant à une variété de produits frais, de fruits, de jus, de viande. Ils sont également utilisés dans le traitement des eaux usées (bio-remédiation).



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Il y a un bénéfice à utiliser antibiotiques et bactériophages non seulement pour leurs effets synergiques mais aussi parce que tant les antibiotiques que les bactériophages sont irremplaçables dans certaines situations. Antibiotiques et bactériophages ne sont pas concurrents mais bien complémentaires et la phagothérapie doit être envisagée comme une arme supplémentaire dans l’arsenal de la lutte contre les infections bactériennes.

Il devient urgent aujourd’hui de s’orienter vers d’autres moyens thérapeutiques. Pour cela, la thérapie par l’utilisation des phages représente un espoir solide dans le traitement des infections les plus difficiles à combattre. Sans doute pourra-t-on envisager des traitements couplés comprenant des antibiotiques à l’action globale et des phages à l’action ciblée.