samedi 9 janvier 2016

Effets de l'Alcool sur le Développement Cérébral du Fœtus – Le Syndrome d'Alcoolisme Fœtal


La femme enceinte ne peut pas boire une seule goutte d'alcool pendant la grossesse


L'alcool, en agissant sur la formation et la croissance de l’organisme et du cerveau du fœtus, peut provoquer des malformations congénitales. L’alcool est dommageable pour le fœtus à n'importe quel stade de la grossesse et non seulement au cours du premier trimestre. Parce que l'alcool qui est consommé par la femme enceinte traverse rapidement la barrière placentaire et se retrouve dans le sang du fœtus dans une proportion équivalente à celle observée chez la mère.

L'alcool porte atteinte aux cellules en développement du fœtus. Le cerveau et le système nerveux central sont particulièrement sensibles à l'alcool et sont susceptibles de subir des dommages permanents.

Durant la grossesse, il n'y a pas de quantité minimale d'alcool qui soit sans danger, car n'importe quelle quantité peut avoir un certain effet. Le fœtus en développement ne peut métaboliser l'alcool aussi rapidement que l'adulte, donc il est exposé durant plus longtemps que sa mère aux effets de l'alcool.

Plus la consommation durant la grossesse est importante et continue, plus les risques du syndrome sont élevés. La consommation de plus de sept verres d’alcool par semaine a des effets sur le comportement neurologique du fœtus; certains effets apparaissent cependant à des doses beaucoup plus petites.

Des enfants, nés de mères qui ont consommé un verre ou deux par jour ou, à l'occasion, cinq verres ou plus à la fois, courent plus de risques d’avoir des troubles d'apprentissage et d'autres troubles cognitifs et comportementaux. Dans certains cas, ces caractéristiques ne seront apparentes que plusieurs mois ou années plus tard.

La consommation alcoolique au début de la grossesse est susceptible de provoquer certains changements dans les caractéristiques faciales du bébé, la formation du cœur et d'autres organes ainsi que celle des os et du système nerveux central.


Le syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF)


Le syndrome d'alcoolisme fœtal est un ensemble d'anomalies physiques et comportementales qui apparaît chez les enfants exposés à l'alcool pendant la grossesse de leur mère. Le SAF provoque une variété de déficiences pour le bébé tant sur le plan mental et physique que celui du développement.

Le plus souvent les mères d'enfants atteints de syndrome d'alcoolisme fœtal buvaient plus de cinq ou six verres par jour au début de leur grossesse. A partir de dix verres, les risques deviennent très élevés.

Au deuxième et au troisième trimestre de la grossesse, l'alcool ne provoque pas de malformations, mais peut être responsable d'un retard de croissance et d'un accouchement prématuré. Il exerce de plus un effet toxique sur les neurones, qui peut entraîner des altérations du développement psychomoteur, avec des troubles du comportement et un déficit intellectuel.

Pour établir, chez un enfant, un diagnostic de SAF, trois critères sont évalués :



Retard de croissance prénatal et/ou postnatal


Les tests peuvent révéler des troubles comme un retard du développement moteur et de la motricité fine, des schèmes moteurs non coordonnés, une ataxie, une hémiplégie, des anomalies de la vitesse motrice, de la précision, de la vitesse à taper du doigt et de la force de préhension surtout une.

Dysfonction du système nerveux central


En plus d’une microcéphalie (petite circonférence crânienne), la dysfonction du système nerveux central peut influer sur l’intelligence, l’activité et l’attention, l’apprentissage et la mémoire, le langage et les aptitudes motrices, et le comportement.

Parmi les signes des anomalies du système nerveux central, on retrouve : un retard du développement, des problèmes comportementaux, des difficultés d'apprentissage et un déficit intellectuel. Il se peut que parmi les problèmes du comportement on retrouve de l'hyperactivité, de la nervosité, de l'anxiété et une diminution de la durée d'attention.

Malformations faciales


L'aspect du visage est souvent caractéristique, avec un nez court et retroussé, la racine du nez aplatie, la lèvre supérieure courte, la mâchoire inférieure en retrait, les yeux petits avec un épicanthus (repli de la peau recouvrant l'extrémité interne de l'œil) et un petit tour de tête. Cet aspect persiste à l'âge adulte, de même que la petite taille.

Les enfants qui ne présentent que 2 des 3 caractéristiques énumérées sont réputés atteints des effets de l’alcool sur le fœtus (EAF).

Parmi les autres anomalies, on retrouve des malformations des organes internes comme le cœur, le foie et les reins. Une déficience visuelle et auditive peuvent également exister.

Il se peut qu'un enfant atteint du SAF ou des EAF soit petit pour son âge. À la naissance, le bébé peut être d'une taille inférieure à la moyenne ou avoir une petite tête. À mesure que les enfants vieillissent, des anomalies d’apprentissage précises reliées au langage et au traitement des nombres peuvent devenir apparentes. On peut aussi remarquer des anomalies de l’audition et de la parole, ainsi que des troubles olfactifs.

Des difficultés dans les aptitudes aux relations interpersonnelles sont caractéristiques. Des déficits de l’attention, une hyperactivité et des comportements impulsifs semblables à ceux observés chez les enfants atteints d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité.

Les enfants atteints du SAF sont souvent naïfs. Comme ils possèdent de mauvaises habiletés de jugement et de prise de décision, ils se laissent parfois aller à une consommation abusive d'alcool ou d'autres drogues et ils ont des difficultés avec la justice lorsqu'ils sont plus âgés.


Conséquences du SAF / EAF



Chez le nourrisson


Les incapacités primaires sont l’irritabilité, un comportement agité, des tremblements, un faible réflexe de succion, des problèmes de sommeil et d’alimentation, un retard dans la croissance, un mauvais contrôle moteur et un risque de tolérance à l'alcool. On remarque une agitation dès que le cordon ombilical est coupé en raison du manque brutal de l'apport en alcool.

Pendant la petite enfance


L’enfant atteint du SAF/EAF a souvent des problèmes d’hyperactivité, d’attention, de perception, de langage et une mauvaise coordination motrice. La vitesse de croissance est diminuée, le poids n'est pas proportionnel par rapport à la taille.

Pendant l'enfance (âge scolaire)


Les incapacités primaires sont l’hyperactivité, déficience de l’attention, difficultés d’apprentissage, notamment en calcul et en langage, un déficit intellectuel et un mauvais contrôle des impulsions. L'enfant est pâle et maigre, le rattrapage du retard de croissance n'est pas atteignable, instabilité, problème d'attention, trouble du langage.

Pendant l'adolescence et à l'âge adulte


Les incapacités primaires sont des troubles de la mémoire, problèmes de jugement (petites délinquances) et de raisonnement abstrait et un mauvais comportement adaptatif. De 15 à 20% des enfants atteints du SAF se retrouvent dans des collectivités pour handicapés mentaux.

Parmi les incapacités secondaires chez les adolescents et les adultes atteints du SAF/EAF, on note que ces personnes sont souvent les victimes d'autrui; ils ont de la difficulté à se faire un budget, à focaliser leur intérêt, à tirer leçon de leur expérience, à comprendre les conséquences de leur geste; ils ont aussi une faible tolérance à la frustration, un comportement sexuel inapproprié, des problèmes de toxicomanie, des troubles mentaux et des démêlés avec la justice.


Prévention


Faire de la prévention est la première mesure à adopter pour lutter contre les effets de l'alcool durant la grossesse.

Pour éviter l'apparition d'un éventuel problème de SAF, il faut informer la population, et en priorité les jeunes, des dangers de consommer de l'alcool pendant la grossesse. Il est également important de mettre en place des programmes de dépistage, d'intervention précoce ou des services pour les femmes enceintes ou en âge de procréer afin de favoriser le dépistage des sujets à risque de mettre au monde un enfant atteint du SAF.

Mettre en place un service de diagnostic et des programmes conçus pour atténuer les effets cognitifs, comportementaux et sociaux des enfants atteints du SAF, pour ceux qui en prennent soin ou pour les parents dont l'un des enfants est atteint du syndrome et qui prévoient avoir d'autres enfants, évitera enfin la récurrence du problème.

La grande majorité des femmes enceintes est réceptive au message de non-consommation d'alcool durant la grossesse. Détecter précocement la consommation d'alcool chez la femme enceinte et lui donner des conseils judicieux sont les pierres angulaires du traitement.


Recherche


Le syndrome d'alcoolisme fœtal a été identifié pour la première fois en France, par le Dr Paul Lemoine (1917-2006), spécialiste de pédiatrie qui mena, à partir de 1958 dans la région nantaise, une étude sur les enfants nés de femmes malades de l’alcool, à partir de laquelle il sera le premier, en 1968, à décrire de façon exhaustive le tableau clinique des enfants souffrant de ce syndrome. Une étude publiée dans une revue confidentielle à l'échelon international, L'Ouest médical, et que des chercheurs de Seattle redécouvrirent cinq ans plus tard.


Neuro-dégénérescence apoptotique induite par l'éthanol et le syndrome d'alcoolisme fœtal


Un groupe d’experts (Ikonomidou C, Bittigau P, Ishimaru MJ et al), dans une étude publiée dans la revue Science en février 2000, informent sur un nouveau mécanisme qui provoque l'apoptose des cellules nerveuses chez le rat, stimulant les récepteurs A de l’acide gamma aminobutyrique (GABA). Cette destruction neuronale a pu se manifester grâce à des techniques histochimiques et en mesurant le poids du cerveau des rats, qui était plus faible que chez ceux traités avec de l'éthanol.

Nerf peu développé avec une tortuosité
 
marquée dans les vaisseaux veineux
 d'un porteur du syndrome d'alcoolisme foetal
Les effets nocifs de l'éthanol sur le cerveau fœtal non seulement se produisent avec une exposition prolongée au poison, mais il a été démontré que l'alcool pris pendant un seul épisode peut également déterminer l'apparition des symptômes. Ce fait peut entraîner des concentrations d'éthanol dans le sang nécessaires pour induire l'apoptose cérébrale (200 mg/dl pendant au moins quatre heures ou plus).

La vulnérabilité coïncide avec la période de synaptogenèse, qui chez l'homme s’étend à partir du sixième mois de grossesse à plusieurs années après la naissance. Pendant cette période, l'exposition transitoire de l'éthanol peut supprimer des millions de neurones du cerveau en développement. Cela peut expliquer la masse réduite du cerveau et des troubles neuro-comportementaux associés au syndrome d'alcoolisation fœtal humain.


Une consommation même modérée d’alcool affecte le développement cérébral du fœtus


Des chercheurs des universités de Bristol, d’Oxford, de Leicester et de Nottingham en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Queensland (Australie) dans une étude publiée dans la revue PLoS ONE en novembre 2012, constatent qu’à l’âge de 8 ans, le Q.I. des enfants de ces mères consommatrices modérées et elles aussi génétiquement vulnérables, est réduit en moyenne de 3,5 points.

Ce résultat vient d’être vérifié chez les enfants présentant certaines variantes génétiques de vulnérabilité aux effets nocifs de l’alcool. Ces conclusions doivent constituer un avertissement supplémentaire sur les dangers de l’exposition à alcool, même modérée, pour le bébé à naître.

L’étude a porté sur des femmes enceintes et a mesuré l’impact de cette consommation d’alcool modérée sur le QI des bébés, plus tard dans la vie, à l’âge de 8 ans. Les chercheurs ont pris en compte, dans leurs conclusions, les variations génétiques de la mère et de l’enfant qui pourraient affecter le métabolisme de l’alcool. Lorsqu’on consomme une boisson alcoolisée, l’alcool (éthanol) est converti en acétaldéhyde par un groupe d’enzymes, ce qui neutralise l’effet nocif de l’alcool. Les variations dans les gènes qui codent pour ces enzymes peuvent ainsi conduire à des différences dans la capacité des gens à métaboliser l’éthanol.


Le syndrome d’alcoolisme fœtal affecte le développement du cerveau pendant l’enfance et l’adolescence, et pas seulement à la naissance


Des chercheurs en médecine de l’Université de l’Alberta ont publié une étude dans la revue scientifique Journal of Neuroscience en juin 2013, qui montre que le développement du cerveau est retardé durant l’enfance et l’adolescence chez les personnes souffrant du syndrome d’alcoolisation fœtale.

L’équipe a scanné 17 personnes atteintes de SAF, et 27 personnes non atteintes, âgées entre 5 et 15 ans. Chaque participant a subi deux à trois scans, à des intervalles variant de deux à quatre ans.

Les chercheurs ont utilisé une méthode d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de pointe qui examine la substance blanche du cerveau. La matière blanche établit des connexions entre les différentes régions du cerveau et se développe habituellement de façon significative durant l’enfance et l’adolescence. Les sujets d’étude ont été scannés plusieurs fois, pour voir les changements dans le développement du cerveau alors qu’ils vieillissaient. Les chercheurs ont noté une augmentation du volume du cerveau et de la substance blanche chez les sujets non affectés par la maladie  une croissance qui était absente chez les personnes atteintes de SAF. La méthode d’IRM a révélé des changements plus importants des connexions établies dans substance blanche du cerveau des individus souffrant de SAF, et les auteurs suggèrent que ces différences pourraient représenter des compensations pour les retards de développement observés plus tôt dans l’enfance.

Ces résultats pourraient suggérer que des changements significatifs arrivent plus tôt dans le cerveau des participants à l’étude non atteints par le SAF. Cette étude suggère que les dommages induits par l’alcool du SAF ne sont pas statiques  les personnes atteintes de SAF ont un développement du cerveau modifié, ils ne se développent pas au même rythme que ceux sans ce syndrome.

L’équipe poursuit ses recherches dans ce domaine, dans l’espoir de trouver un bio-marqueur du SAF, et d’examiner les changements dans le cerveau des personnes atteintes du syndrome de l’adolescence à l’âge adulte. La technique avancée d’IRM que l’équipe a utilisée permet de repérer précisément les lésions cérébrales présentes chez les personnes atteintes de SAF, et pourrait un jour guider des interventions médicales pour les personnes souffrant de cette maladie.

Il n'existe aucune information définitive sur la quantité d'alcool pouvant être consommée sans risque par la femme enceinte au cours de la grossesse. Par conséquent, par mesure de prudence, les femmes qui sont enceintes ou qui pourraient le devenir devraient choisir de s'abstenir de boire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire