Une des causes possibles de la dépression est un déséquilibre de certaines substances chimiques présentes dans le cerveau. Les antidépresseurs sont des médicaments qui contribuent à restaurer l'équilibre de ces substances chimiques, permettant ainsi une transmission plus efficace des signaux nerveux dans le cerveau. En ciblant certaines substances chimiques du cerveau – sérotonine, noradrénaline, dopamine –, les antidépresseurs contribuent à la régulation de l'humeur et à la réduction des symptômes. Il existe des traitements qui agissent à la fois sur les symptômes émotionnels et les symptômes physiques incommodants de la dépression. Il existe aussi des produits de santé naturels approuvés dans le soulagement des symptômes de la dépression.
Pompe à recaptage de la sérotonine (points roses) |
Schématiquement, le mode d'action des ISRS est le
suivant : ils augmentent la production de sérotonine, un neuromédiateur
secrété par le cerceau et impliqué dans de nombreux comportements – euphorie,
bien-être, plaisir –. Plus exactement, ils limitent la destruction de la
sérotonine, une fois qu'elle a été naturellement produite par l'organisme.
Depuis quelques années, la prescription de ces
médicaments chez les enfants fait l'objet d'une mise en garde sérieuse,
certaines études ayant mis en évidence un risque de suicide accru chez ceux
ainsi traités.
Les antidépresseurs chez l'enfant en débat
Les auteurs d’une étude américaine, publiée en
2012 dans The archives of General Psychiatry, ont réétudié quatre essais
cliniques portant sur l'administration de fluoxétine chez des enfants et des
adolescents et montrent, en intégrant différents critères d'évaluation, qu'il n'y
a finalement pas de relation significative entre ce traitement et les idées et
comportements suicidaires chez les 7-18 ans, même en cas d'efficacité du
médicament sur les symptômes dépressifs.
Cette étude ne serait pas dénuée de critiques. Les
enfants et les adolescents ont des comportements et des réponses très
différentes aux traitements et chaque individu réagit lui-même de façon
indépendante à la maladie ou à sa prise en charge au sein de chaque tranche
d'âge.
En 2004, l'analyse des effets indésirables de 25
études cliniques portant sur huit antidépresseurs de la classe des inhibiteurs
de recapture de la sérotonine utilisées dans différentes tranches d'âge révélait
une augmentation du risque d'idées et de comportements suicidaires chez les
mineurs ayant pris ces traitements, même si aucun passage à l'acte n'avait été
à déplorer. Deux ans plus tard, l'Agence américaine du médicament étendait son
alerte aux jeunes adultes jusqu'à 25 ans.
L'Agence américaine du médicament a alors imposé à tous les fabricants un
gros cadre noir appelé “black box warning”
sur les notices, signifiant clairement ce risque aux utilisateurs. Selon
l'Agence du médicament américaine, ces médicaments augmenteraient le risque
d'idées suicidaires entre 8 et 18 ans, voir 25 ans, y compris en cas de
bénéfice sur les symptômes dépressifs.
L'Agence française du médicament émet en 2006 ses
propres recommandations et déconseille l'usage des antidépresseurs inhibiteurs
de la recapture de sérotonine à l'exception de la fluoxétine dans le traitement
de la dépression chez l'enfant et l'adolescent en raison d'un risque de
comportement suicidaire (idées suicidaires, tentatives de suicide) et/ou
hostile (agressivité, comportement d'opposition, colère).
Certaines études ont révélé que, dans le cerveau
encore en développement des enfants, les drogues de type Prozac pourraient
interférer avec le schéma normal de croissance cérébrale. Malgré leur caractère
préliminaire, de tels travaux suggèrent que les enfants traités par des antidépresseurs
pourraient passer d'un trouble psychiatrique à un autre. Traités dans certains
cas dès l'école maternelle, ces enfants trouveraient dans ces médicaments un
soulagement à court terme, mais présenteraient un risque de devenir
ultérieurement des adultes nerveux et anxieux.
Amir Raz, professeur de neurosciences cliniques au
Département de psychiatrie de l'Université McGill, est l'un des rares
chercheurs à s'interroger sur l'utilisation des antidépresseurs chez l'enfant
et l'adolescent. Selon lui, le cerveau humain se développe exponentiellement
pendant ces jeunes années, et l'exposition aux antidépresseurs est susceptible
de perturber le câblage du cerveau, particulièrement en ce qui concerne
certaines régions impliquées dans le stress, les émotions et leur régulation.
David Rosenberg, chef du Département de Psychiatrie
des enfants et des adolescents à la Wayne State University, utilise le scanner
du cerveau pour observer les enfants et les adolescents déprimés, affichant des
changements impressionnants dans la chimie du cerveau. Ses recherches portent
sur le messager chimique glutamate. Le glutamate est l’interrupteur dans le
cerveau. Si la sérotonine est l’éclairage dans la salle, le glutamate est
l’interrupteur qui allume et éteint la sérotonine.
Rosenberg a découvert qu’un faible niveau de
glutamate dans certaines parties du cerveau est relié à la dépression. Et
l’effet des antidépresseurs est clair : après traitement, le glutamate retourne
à la normale et les symptômes de la dépression se réduisent. Il estime que
lorsque les antidépresseurs sont prescrits correctement, ils font plutôt du
bien que du mal.
Seul un antidépresseur sur quatorze est efficace contre la dépression de l’enfant et l’adolescent
Une étude de l’université d’Oxford et de
l’université de Chongqing, parue dans la revue scientifique britannique The
Lancet en juin 2016, relève que la plupart des antidépresseurs disponibles
ne sont guère efficaces et ne sont pas supérieurs au placebo.
Cette méta-analyse porte sur trente-quatre études
incluant 5 260 participants de 9 à 18 ans. Une vingtaine de spécialistes
de différents pays ont scruté plusieurs bases de données d’essais cliniques
publiés, portant sur le traitement aigu du trouble dépressif majeur chez les enfants
et les adolescents, en comparant les effets de quatorze antidépresseurs sur
quatre semaines de traitement.
Les essais inclus dans l’analyse ont évalué les
effets des 14 antidépresseurs, et l’équipe a qualifiée l’efficacité de chaque
médicament à l’aide de quatre critères :
Efficacité – déterminée par des changements dans
les symptômes dépressifs et la réponse au traitement.
Tolérance – si l’utilisation de médicaments a été
interrompue en raison d’effets indésirables.
Acceptabilité – si l’utilisation de médicaments a
été suspendue en raison de toute cause.
Association à de graves dommages – si les
médicaments ont augmenté de pensées ou actes de suicide ou d’autres dommages sévères.
Par rapport aux placebos et autres sept
antidépresseurs, on a conclu que la nortriptyline avait une efficacité
inférieure.
Les anti-dépresseurs imipramine, venlafaxine et
duloxétine, les chercheurs ont observé que c’était pire quand il s’agissait de
tolérance ; Il y avait beaucoup plus d’interruptions avec ces médicaments qu’avec
un placebo.
Par rapport aux placebos et autres cinq
médicaments antidépresseurs, il a été trouvé que la venlafaxine augmentait le
risque de pensées suicidaires et de tentatives.
Les données utilisées pour la méta-analyse en réseau :
* les cercles
représentent les médicaments : plus
le diamètre augmente, plus le nombre de participants ayant pris cette substance
augmente (placebo > fluoxétine > duoxétine, etc.) ;
* les traits
représentent les comparaisons directes effectuées (essai clinique) entre 2
traitements : plus les traits
sont épais, plus le nombre d'essais est élevé (fluoxétine vs placebo,
paroxétine vs placebo) ;
* en l'absence de trait
entre 2 substances, une comparaison indirecte peut être effectuée : fluoxetine vs placebo et placebo vs clomipramine
=> comparaison indirecte entre fluoxétine et clomipramine.
Résultat : sur les quatorze antidépresseurs,
seule la fluoxétine (Prozac) a été plus efficace – plus d’avantages que de
risques – que le placebo pour soulager les symptômes de la dépression.
Les données de tous les essais comparant un
antidépresseur avec un placebo ou un autre antidépresseur actif, en
mono-thérapie, par voie orale, dans le traitement du trouble dépressif majeur
chez les enfants et les adolescents ont été collectées à partir de différentes bases de données disponibles dans
le monde.
En pratique, le soutien psychologique reste la priorité pour prendre en charge
une dépression de l'enfant ou de l'adolescent. En cas d'échec, d'impossibilité
d'accès à la psychothérapie ou de dépression sévère d'emblée, et lorsqu'un
traitement pharmacologique paraît nécessaire, les auteurs estiment, au diapason
des recommandations françaises, que la
fluoxétine reste la meilleure option à considérer.
Les enfants et les adolescents qui prennent des
antidépresseurs doivent être très surveillés, quel que soit l’antidépresseur
choisi, en particulier au début du traitement.
Les antidépresseurs et leurs effets sur le cerveau des adolescents
Les antidépresseurs sont d'abord conçus et testés
pour les adultes, leur impact sur le cerveau des individus beaucoup plus jeunes
n'est pas encore complètement identifié. Certains chercheurs se préoccupent de
l'effet d'antidépresseurs comme le Prozac sur le développement du cerveau chez
les enfants et les adolescents.
Le cerveau humain se développe de façon exponentielle lorsque l'on est très jeune et la prise d'antidépresseurs peut affecter les connexions qui se font à l'intérieur du cerveau, en particulier les connexions relatives au stress, aux émotions et à leur régulation.
Le cerveau humain se développe de façon exponentielle lorsque l'on est très jeune et la prise d'antidépresseurs peut affecter les connexions qui se font à l'intérieur du cerveau, en particulier les connexions relatives au stress, aux émotions et à leur régulation.
Antidépresseurs et suicide chez les jeunes
Les médicaments antidépresseurs peuvent augmenter
le risque d'avoir un comportement et des pensées suicidaires chez certains
adolescents. Le risque de suicide est particulièrement grand durant les deux
premiers mois du traitement. Certains jeunes adultes sont même encore plus
sujets à risque lorsqu'ils prennent des antidépresseurs, surtout ceux qui
souffrent de troubles bipolaires, qui ont des membres de leurs familles
atteints de troubles bipolaires ou qui ont déjà fait des tentatives de suicide.
Les signaux d'alerte sont l'apparition de nouveaux
symptômes ou l'aggravation des symptômes déjà présents tels que l'agitation,
l'irritabilité ou la colère. Des changements de comportements inhabituels
doivent aussi être pris en considération.
Les médicaments antidépresseurs doivent être
prescrits dans le respect des règles de bonne pratique : diagnostic
d’épisode dépressif majeur ou de trouble relevant de ce type de traitement,
posologie et durée de prescription adéquats.
L’efficacité des antidépresseurs sur les symptômes
émotionnels dépressifs ou anxieux est désormais bien établie : le risque
de facilitation de conduites suicidaires par ces molécules est cependant
mentionné. Mieux prescrire les antidépresseurs repose sur un meilleur repérage
des symptômes justifiant le diagnostic d’épisode dépressif ou de trouble
anxieux y compris chez l’enfant et l’adolescent, sur un suivi attentif de
l’évolution des symptômes.
Il n’existe pas d’antidépresseurs spécifiquement recommandés pour les enfants et
les adolescents. Certains sont
plus souvent prescrits aux jeunes parce qu’ils induiraient moins d’effets
secondaires négatifs. C’est le cas des psychotropes de la classe des ISRS
(inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) comme la fluoxétine,
la paroxétine et l’escitalopram.
Psychothérapie et antidépresseurs
La place, la question de la prescription de
psychotropes dans la dépression de l’enfant demeure délicate, voire
inconfortable ; divers paramètres étayent ce constat. Tout d’abord,
l’administration de médicaments agissant sur le jeune cerveau suscite chez
l’enfant et son entourage malaise et réticences. A cet égard, les connaissances
en matière de chimie cérébrale, des retentissements sur le fonctionnement,
entre autres, des neurotransmetteurs, des modifications sur le développement de
certains circuits sous-corticaux et corticaux sous l’impulsion
d’antidépresseurs sont encore balbutiantes.
Dans certaines situations très précises de
dépression majeure, la prescription demeure possible mais doit être très
raisonnée et effectuée par un spécialiste pour une évaluation rigoureuse de
l'état du patient.
C'est tout un ensemble de mesures de soins et d'accompagnement,
pouvant inclure le traitement antidépresseur, qui va créer des conditions de
sécurité et de confiance, pour essayer de prévenir au mieux les éventuels
risques de passage à l'acte. Il est absolument indispensable d'assurer un suivi
sérieux, en particulier durant le 1er mois de traitement.
La médication antidépressive peut soutenir
l’enfant et son entourage à se mettre au travail d’élaboration, le favoriser en
réactivant probablement les circuits de transmission cérébrale déficients et en
stimulant une démarche active, volontaire chez le sujet.
Si les antidépresseurs sont parfois indispensables
et qu'ils préviennent le risque suicidaire chez certains déprimés enfermés dans
une logique morbide, ils ne sont jamais suffisants seuls. Si on donne
uniquement des antidépresseurs, sans offrir dans le même temps un soutien
psychologique, on risque de faire disparaître les "défenses" même
imparfaites mises en place par l'organisme et ce sans avoir apaisé suffisamment
la douleur psychique.
Ces prescriptions doivent être réservées à
l’hôpital et ne pas être effectuées en médecine générale, afin de regarder de
près d’éventuels effets secondaires, surtout le risque suicidaire.
Il y a un consensus : la psychothérapie reste
le traitement de première intention. Par contre, il ne faudrait pas que la
prescription entrave la démarche psychothérapeutique nécessaire.
Recommandations
1) Les critères utilisés pour l’aide au diagnostic
de trouble dépressif notamment dans les enquêtes épidémiologiques et les outils
de mesure de l’intensité des symptômes dépressifs et de l’évolution sous
l’action des traitements pharmacologiques doivent être enseignés à tout
médecin : ils sont une aide au repérage de la symptomatologie et aux
décisions thérapeutiques, en particulier prescrire ou ne pas prescrire un
antidépresseur.
2) Bien prescrits les antidépresseurs ont un effet
anti suicidaire. Cependant la mise en route d’un traitement antidépresseur doit
se faire après évaluation des facteurs de risque de conduite suicidaire. Les
règles de bonnes pratiques doivent être respectées : réévaluation
hebdomadaire de l’état du patient pendant le premier mois, bimensuelle pendant
le 2ème mois au moins mensuelle ensuite, posologie réduite chez les sujets âgés
ou fragilisés par un handicap mental.
3) Des études portant sur les effets des
antidépresseurs chez l’enfant sont hautement souhaitables :
* pour en évaluer l’efficacité selon l’âge de
l’enfant,
* pour apprécier les conséquences neuro-développementales
et biologiques de l’introduction de tels agents sur un cerveau en
développement.
La primo-prescription d’un antidépresseur chez les
sujets de moins de 18 ans doit être réservée aux médecins spécialistes en
pédiatrie et/ou en psychiatrie.
4) Certains états pathologiques nécessitent un
traitement antidépresseur au long cours : la non disponibilité plus ou
moins transitoire de certains médicaments antidépresseurs en officine devrait
être prévenue par des actions adéquates des autorités de santé auprès des
industriels concernés.
Un médecin doit toujours réfléchir avant de
prescrire un antidépresseur à un enfant ou à un adolescent. En tout état de
cause, cette prescription doit être clairement expliquée aux parents et au
patient. La balance entre les bénéfices attendus et les risques éventuels doit
être soigneusement pesée.
Importance d’une alimentation équilibrée pour une bonne santé mentale
La nutrition est essentielle au bon fonctionnement du cerveau, car il a besoin d’une certaine quantité de nutriments pour la formation des neurotransmetteurs, c'est-à-dire les messagers chimiques qui accompagnent les signaux électriques qui passent entre les neurones. Le régime méditerranéen – c'est-à-dire de nombreux légumes, fruits, céréales et poissons – réduit le risque de dépression entre 40 % et 50 %.
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