mardi 26 octobre 2021

Instagram et Facebook Affectent la Santé Mentale des Adolescents





À l’origine, les réseaux sociaux sont censés être des espaces conviviaux, où l’on peut partager des moments de vie avec sa famille et ses amis. Mais avec leur essor fulgurant, un constat global a émergé : bien souvent, y passer beaucoup de temps peut s’avérer dangereux pour la santé mentale. Les entreprises mettent en place des mesures pour assainir ces espaces. Mais ces initiatives demeurent encore insuffisantes, et certaines le savent parfaitement, notamment Facebook.


Instagram, Twitter, Facebook, Snapchat et YouTube : ces plateformes, à elles cinq, attirent l’attention de 91% des 16-24 ans. Entre narcissisme et harcèlement, créativité et expression de soi, les réseaux sociaux sont à l’origine d’une révolution sociale, surtout chez les “millennials” (nés entre 95 et le début des années 2000).


Instagram est un réseau social de partage de contenu utilisé par plus de 700 millions de personnes à travers le monde. Environ 91% des 16-24 ans utilisent Internet pour les réseaux sociaux, contre 51% pour les 55-64 ans, et 23% pour les 65 ans et plus. Il est donc important de comprendre les effets de l’utilisation des réseaux sociaux sur les adolescents, car cette tranche d’âge est particulièrement vulnérable concernant le développement émotionnel.

Il n’y a pas besoin d’être un grand sociologue pour deviner les raisons de ce mal-être. Instagram est par définition le temple de l’image. C’est la plateforme de choix pour les célébrités et autres influenceurs qui souhaitent poster leurs images les plus flatteuses. Et à force d’être exposés en permanence à ces top-modèles à la plastique parfaite, ce sont des millions de jeunes gens qui peuvent développer de terribles complexes. Une situation dont Facebook est parfaitement conscient.


Instagram peut avoir des effets néfastes sur les adolescents, selon une étude menée par Facebook

Le Wall Street Journal dans un article, paru le 14 septembre 2021, – ayant eu accès à plusieurs présentations internes diffusées aux employés du réseau social – révèle les résultats d’une enquête interne menée sur Instagram.

Des documents internes à l’entreprise issus de ses propres recherches montrent que l’utilisation du réseau social a des effets négatifs sur une partie non négligeable de ses utilisateurs les plus jeunes. La plateforme dit réfléchir à la question.

Les propres études internes de Facebook montrent à quel point sa filiale Instagram peut avoir des conséquences néfastes sur l’image et la santé mentale de ses utilisateurs les plus jeunes.

De multiples études indépendantes, comme celle réalisée en 2017 par la Royal Society for Public Health, avaient déjà souligné l’effet négatif que peut produire Instagram sur l’estime de soi des adolescents, tout particulièrement le fait qu’ils soient constamment confrontés à des images de corps et de vies idéalisés. Plusieurs ONG avaient protesté, notamment pour cette raison, contre un projet de Facebook de lancer une version de son application destinée aux moins de 13 ans.

Jusqu’à présent, Facebook s’était toujours publiquement retranché derrière le fait que, sur ce sujet comme pour d’autres touchant à l’impact des réseaux sociaux sur les adolescents, il n’existerait pas de consensus scientifique. Difficile, en effet, de quantifier de manière précise les effets produits pour chaque individu et d’en dissocier les aspects positifs de leurs aspects négatifs.

Néanmoins, les documents consultés par le Wall Street Journal montrent que l’entreprise savait, grâce aux études menées par ses propres chercheurs, sociologues et scientifiques data, qu’Instagram avait des effets négatifs sur le bien-être d’une partie non négligeable de ses utilisateurs.

Comparaison sociale

Un adolescent sur cinq dit qu’Instagram nuit à son estime de soi”, détaille ainsi une page d’une présentation diffusée au sein de l’entreprise. Les adolescentes britanniques sondées sont les plus critiques : si 30% d’entre elles disent se sentir “mieux” ou “beaucoup mieux” lorsqu’elles utilisent l’application, 23% affirment que l’application les fait se sentir ”un peu plus mal”, et 2% ”vraiment plus mal”. Des conséquences similaires, mais moitié moins intenses, sont observés par les chercheurs de Facebook auprès des garçons.

Les jeunes accusent Instagram de favoriser la dépression et l’anxiété. Résultat : des jeunes internautes qui disent se trouver “disgracieux” expliquent que ces complexes ont commencé à leurs débuts sur la plateforme. C’est encore plus inquiétant dans le cas d’individus déjà mal dans leur peau. En effet, parmi celles et ceux qui disent avoir des idées noires, 6 à 13% estiment qu’Instagram y est pour beaucoup.

Des recommandations rarement suivies de mesures

Après la parution de cet article, Instagram a déclaré chercher à limiter le problème de l’obsession du corps parfait chez les adolescents. Facebook indique dans un communiqué travailler de plus en plus sur les comparaisons [de son corps avec celui des autres] et l’image négative du corps. La plateforme dit réfléchir à des moyens de réagir quand elle voit que les gens s’appesantissent sur certains types d’images.

Les échanges consultés par le Wall Street Journal montraient que les recommandations émises en interne par les propres chercheurs de Facebook n’ont que marginalement été suivies de mesures. L’idée de moins promouvoir les comptes de stars, et de privilégier les photos d’amis au détriment des contenus sur la mode ou la beauté, semble avoir été accueillie avec scepticisme par les responsables de l’application. Un message interne d’un responsable, cité par le quotidien américain, répond ainsi très clairement que l’essence de l’application réside dans les comparaisons sociales : “Les gens utilisent Instagram parce que c’est une compétition. C’est ça qui est amusant”.

D’après Instagram l’article se concentre sur des conclusions d’études limitées et les présente sous un mauvais jour. Mais ces recherches montrent leur engagement à comprendre ces sujets complexes. La plateforme espère qu’un potentiel système d’encouragements à regarder des contenus qui inspirent et exaltent les jeunes utilisateurs pourrait aider à faire changer cette partie de la culture d’Instagram qui se concentre sur les apparences.

À la lecture de cet article, il est difficile de dire ce qui est le plus révoltant ; le phénomène en lui-même, ou le fait que Facebook soit parfaitement au courant. Nombre de ces documents remontent en effet à 2019. Le réseau avait donc tout le temps d’agir, ou au moins d’être transparent sur ces conclusions. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été sollicité. Facebook et Instagram ont déjà fait l’objet de plusieurs audiences judiciaires pour éclaircir ces points… mais sans succès.

À la place, Facebook a préféré garder cela confidentiel. L’objectif invoqué : promouvoir un dialogue franc et ouvert, ainsi que l’échange d’idées en interne… Ils semblent emprunter une tactique de l’industrie du tabac, à savoir viser des jeunes avec un produit potentiellement dangereux en cachant la réalité scientifique. Certes, le réseau a bien tenté d’améliorer la situation en supprimant les Likes.

Ce qu'Instagram a vraiment appris en masquant les Likes

En avril 2019, au milieu des questions croissantes sur les effets des réseaux sociaux sur la santé mentale, Instagram a annoncé qu'il testerait un flux sans Likes. La personne publiant une image sur le réseau verrait toujours combien de personnes lui avaient envoyé un cœur, mais le nombre total de cœurs resterait invisible au public.

Quelques expérimentations infructueuses plus tard, on pensait que l’entreprise avait laissé tomber, mais la voilà qui revient avec un nouvel outil plus flexible. Cette fois, le réseau social n’entend plus simplement supprimer le compteur de Likes, mais plutôt laisser le choix à ses utilisateurs. Ces derniers pourront en effet décider d’afficher ou de masquer le décompte des likes sur les publications des autres utilisateurs.

Le test se déroulerait uniquement au Canada et les Likes seraient masqués dans le fil d'actualité, les pages en lien permanent et sur les profils. Instagram dit qu'il veut que les abonnés se concentrent sur les photos et les vidéos partagés, pas sur le nombre de Likes qu'ils obtiennent. Seule la personne qui possède le compte pourra voir combien de Likes son contenu a reçu.

Le sujet des Likes est encore largement débattu, aussi bien du côté d’Instagram que chez les utilisateurs de la plateforme. Les influenceurs notamment, basent une grande partie de leurs revenus sur le taux d’engagement de leur communauté. Masquer les Likes reviendrait ainsi à potentiellement les priver d’une partie de leurs revenus face à des annonceurs qui n’auraient plus les moyens de quantifier leur “valeur” sur le marché de l’influence. Pour autant, les récents tests à grande échelle avaient vraisemblablement pris en compte cette particularité inhérente aux créateurs, en conservant leur compteur de Likes et autres outils d’analyse dédiés aux professionnels.

À la décharge d’Instagram, il faut admettre qu’il semble difficile d’endiguer ce phénomène. En effet, il est lié à la nature même du réseau, celle-là même qui a fait son succès et rapporte très, très gros. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que Facebook reparte de zéro sur la base de ces informations. En attendant, la seule solution reste de relativiser et de sensibiliser le public.

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Instagram, Responsable De L’Anxiété Chez Les Jeunes

Selon une étude menée, par la Royal Society for Public Health (RSPH) et le Young Health Movement (YHM), – intitulée #StatusOfMind – publiée en mai 2017, Instagram est l’une des pires plateformes des réseaux sociaux pour la santé mentale des jeunes adultes.

L‘étude s’est appuyée sur le témoignage de 1.479 personnes âgées de 14 à 24 ans, actives sur les réseaux à travers le Royaume-Uni. Il leur a été demandé d‘évaluer, à partir de quelques mots-clés “solitude”, “dépression”, “anxiété”, “insulte”, “création de l’image extérieure”, des réseaux sociaux que sont Facebook, Snapchat, Instagram, YouTube et  Twitter.

L’étude a déterminé que les réseaux sociaux sont plus addictifs que le tabac et l’alcool. Un résultat qui explique que l’utilisation de ces plateformes est souvent liée à l’anxiété, la dépression, et un mauvais sommeil.

Les sondés ont été invités à classer les réseaux sociaux. Parmi ces plateformes, YouTube s’en sort avec les commentaires les plus élogieux, considéré comme celui ayant “l’impact le plus positif” sur le cerveau des jeunes. Il est suivi de Twitter et Facebook. En revanche, Instagram et Snapchat le sont moins.

L’étude a surtout révélé que certains de ces jeunes présentaient de sérieux problèmes mentaux comme la dépression, la solitude, des problèmes d’image corporelle ou d’anxiété lors de l’utilisation d’applications à caractère social. La liste ci-dessous répertorie les situations auxquelles ils sont fréquemment confrontés :

* Sensibilisation et compréhension des expériences des autres
* Accès à des informations de santé spécialisées fiables
* Soutien émotionnel
* Anxiété (inquiétude, nervosité, malaise)
* Dépression
* Solitude
* Sommeil perturbé
* Expression de soi
* Identité
* Image du corps
* Relations au monde réel
* Communauté (qui fait partie d’une communauté de personnes partageant les mêmes idées)
* Intimidation/Harcèlement
* FoMO (Fear Of Missing Out = la peur de se déconnecter et de rater quelque chose)

Selon les chercheurs il est intéressant de voir Instagram et Snapchat se classer comme les pires réseaux sociaux pour la santé mentale et le bien-être. Ces deux plateformes, axées sur l’image, semblent générer des sentiments d’infériorité, d’insuffisance et d’anxiété chez les jeunes. A mesure que les preuves augmentent sur les dommages potentiels causés par l’utilisation intensive des réseaux sociaux et que nous améliorons le statut de la santé mentale dans la société, il est crucial que nous gardions une certaine forme de contrôle et d’équilibre pour rendre les réseaux sociaux moins ‘hostiles’, en ce qui concerne la santé mentale et le bien-être des jeunes.

Ils soulignent que vous n’avez même pas besoin de Likes pour ressentir de l’excitation lors de l’utilisation des réseaux sociaux. Si vous savez que vous allez recevoir un retour favorable sur un post, une photo… – une alerte comme votre téléphone qui vibre –, vous ressentez une poussée de dopamine, grâce à cette simple stimulation sociale. Ce qui vous pousse rapidement à consulter votre téléphone. Ce processus, une fois expérimenté, est de plus en plus recherché par les sujets.

La RSPH et le YHM ont établi quelques recommandations afin de prévenir les émotions négatives que peuvent engendrer les réseaux sociaux.

La première serait d’afficher un message d’alerte lorsque les utilisateurs passent trop de temps sur un réseau social.

La seconde suggestion s’adresse directement aux entreprises de réseaux sociaux : une surveillance accrue des statuts postés par des enfants qui pourraient refléter des problèmes de santé mentale et/ou de bien-être.

La troisième serait de repérer les images qui peuvent être manipulées numériquement – notamment afin d’éviter le “shaming” ou le harcèlement en ligne –.

Il y a ici des limites évidentes. Les plateformes technologiques ne peuvent pas demander aux utilisateurs de prendre un nombre illimité de décisions, car cela introduit trop de complexité dans le produit. Les entreprises devront toujours tracer des lignes strictes sur des questions délicates, notamment les discours de haine et la désinformation. Et introduire des choix ne changera pas le fait que, comme dans tous les logiciels, la plupart des gens s'en tiendront simplement aux valeurs par défaut.

Afin d’éviter les dérives, Instagram applique une politique très stricte en matière de harcèlement en ligne. Dans la section “Aide” du réseau social, chacun peut signaler des comptes ou des commentaires qui s’attaquent de manière déplacée à un Instagrammeur. Il est également possible de signaler des pages en cas d’usurpation d’identité. Instagram, comme beaucoup de réseaux sociaux, permet de bloquer une ou plusieurs personnes qui vous créeraient des soucis sur la plateforme, dans le but de protéger ses utilisateurs.

Heureusement, l’étude souligne également que les réseaux sociaux présentent de nombreux aspects positifs. Par exemple, ils permettent aux jeunes souffrant de problèmes de rencontrer d’autres “victimes”, et d’avancer ensemble. Elle indique par ailleurs que 7 adolescents sur 10 reçoivent un soutien notable sur les réseaux sociaux lors de périodes difficiles. Une prévention en ligne de problèmes de santé mentale, en somme. A mesure que les adolescents se développent, l’expression de soi et l’identité deviennent des aspects importants de leur vie, et les réseaux sociaux facilitent la démonstration. Les réseaux sociaux deviennent essentiels lorsqu’il s’agit de créer, maintenir, et faire prospérer des relations.


Les “J'aime” de médias sociaux ont un impact sur le cerveau et le comportement des adolescents

Selon les chercheurs au Centre de cartographie du cerveau de l'UCLA dont les résultats d'une étude, publiée dans Psychological Science en mai 2016, les mêmes circuits cérébraux qui sont activés en mangeant du chocolat et en gagnant de l'argent sont activés lorsque les adolescents voient un grand nombre de "j'aime" sur leurs propres photos ou les photos de leurs pairs dans un réseau social.

Les 32 adolescents, âgés de 13 à 18 ans, ont appris qu'ils participaient à un petit réseau social similaire à la populaire application de partage de photos, Instagram. Dans une expérience, les chercheurs leur ont montré 148 photographies sur un écran d'ordinateur pendant 12 minutes, dont 40 photos soumises par chaque adolescent, et ont analysé leur activité cérébrale à l'aide de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, ou IRMf. Chaque photo affichait également le nombre de Likes qu'elle avait soi-disant reçus d'autres participants adolescents – en réalité, le nombre de Likes a été attribué par les chercheurs –. [À la fin de la procédure, les participants ont été informés que les chercheurs décidaient du nombre de Likes reçus par une photo.]

Les chercheurs ont constaté une activité dans une grande variété de régions du cerveau lorsque les adolescents ont vu leurs propres photos avec un grand nombre de Likes. Une région particulièrement active est une partie du striatum appelée noyau accumbens, qui fait partie du circuit de récompense du cerveau, Ce circuit de récompense est particulièrement sensible pendant l'adolescence. Ils ont également observé une activation dans des régions appelées cerveau social et des régions liées à l'attention visuelle.


Ils ont montré exactement la même photo avec beaucoup de Likes à la moitié des adolescents et à l'autre moitié avec seulement quelques Likes. Quand ils ont vu une photo avec plus de Likes, ils étaient beaucoup plus susceptibles de l'aimer eux-mêmes. Les adolescents réagissent différemment à l'information lorsqu'ils pensent qu'elle a été approuvée par un grand nombre ou peu de leurs pairs, même si ces pairs sont des étrangers.

Pour les trois types de photographies – neutres, risquées et même les leurs – les adolescents étaient plus susceptibles de cliquer comme si plus de gens les avaient aimés que si moins de gens les aimaient.


Lorsque les adolescents regardaient des photos à risque par rapport aux photos neutres, ils présentaient moins d'activation dans les zones associées au contrôle cognitif et à l'inhibition de la réponse, y compris le cortex cingulaire antérieur dorsal du cerveau, les cortex pré-frontaux bilatéraux et les cortex pariétaux latéraux.

Ces régions du cerveau sont impliquées dans la prise de décision et peuvent nous empêcher de nous engager dans certaines activités, ou nous donner le feu vert pour aller de l'avant.

Voir des photos qui illustrent des comportements à risque semble diminuer l'activité dans les régions qui freinent, affaiblissant peut-être le filtre “faites attention” des adolescents.


La simple présence du smartphone réduit la puissance du cerveau

Des chercheurs de la McCombs School of Business de l'Université du Texas dans une étude, publiée dans ScienceDaily en juin 2017, ont constaté que la capacité cognitive est considérablement réduite lorsque le smartphone est à portée de main, même s'il est éteint.

Les chercheurs ont mené des expériences avec près de 800 utilisateurs de smartphones dans le but de mesurer, pour la première fois, dans quelle mesure les gens peuvent effectuer des tâches lorsqu'ils ont leur smartphone à proximité, même lorsqu'ils ne les utilisent pas.

Dans une expérience, les chercheurs ont demandé aux participants à l'étude de s'asseoir devant un ordinateur et de passer une série de tests nécessitant une concentration totale pour obtenir de bons résultats. Les tests visaient à mesurer la capacité cognitive disponible des participants, c'est-à-dire la capacité du cerveau à conserver et à traiter des données à un moment donné. Avant de commencer, les participants ont reçu au hasard l'instruction de placer leurs smartphones soit sur le bureau, face cachée, dans leur poche ou leur sac personnel, ou dans une autre pièce. Tous les participants ont été invités à mettre leur téléphone en mode silencieux.

Les chercheurs ont découvert que les participants avec leur téléphone dans une autre pièce surpassaient considérablement ceux avec leur téléphone sur le bureau, et ils surpassaient également légèrement les participants qui avaient gardé leur téléphone dans une poche ou un sac.

Les résultats suggèrent que la simple présence de son smartphone réduit la capacité cognitive disponible et altère le fonctionnement cognitif, même si les gens ont le sentiment de consacrer toute leur attention et leur concentration à la tâche à accomplir.

Les chercheurs constatent une tendance linéaire qui suggère qu'à mesure que le smartphone devient plus visible, la capacité cognitive disponible des participants diminue. L’esprit conscient ne pense pas à son smartphone, mais ce processus – le processus qui vous oblige à ne pas penser à quelque chose – utilise certaines de vos ressources cognitives limitées. C'est une fuite des cerveaux

Dans une autre expérience, les chercheurs ont examiné comment la dépendance auto-déclarée d'une personne au smartphone – ou à quel point une personne pense qu'elle a besoin d'un smartphone pour passer une journée type – affectait la capacité cognitive. Les participants ont effectué la même série de tests informatisés que le premier groupe et ont été répartis au hasard pour garder leurs smartphones en vue soit sur le bureau face vers le haut, dans une poche ou un sac, ou dans une autre pièce. Dans cette expérience, certains participants ont également été invités à éteindre leur téléphone.

Les chercheurs ont découvert que les participants les plus dépendants de leur smartphone avaient de moins bons résultats que leurs pairs moins dépendants, mais uniquement lorsqu'ils gardaient leur smartphone sur le bureau ou dans leur poche ou leur sac.

Ils ont également découvert que peu importait que le smartphone d'une personne soit allumé ou éteint, ou qu'il soit allongé face vers le haut ou vers le bas sur un bureau. Avoir un smartphone à portée de vue ou à portée de main réduit la capacité d'une personne à se concentrer et à effectuer des tâches, car une partie de son cerveau travaille activement pour ne pas décrocher ou utiliser le téléphone.

Ce n'est pas que les participants étaient distraits parce qu'ils recevaient des notifications sur leurs téléphones. La simple présence de leur smartphone suffisait à réduire leurs capacités cognitives.

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L'addiction aux réseaux sociaux, nouveau fléau de santé publique

De plus en plus de chercheurs alertent sur les effets inquiétants des réseaux sociaux sur le cerveau, et sur leurs dangers pour les adolescents. Le pourcentage d'adolescents dépressifs, déclarant se sentir seuls et commettant des tentatives de suicide a atteint des sommets, génération née entre 1995 et 2012. Celle-ci souffre de la pire crise de santé mentale depuis des décennies.

Les adolescents “scrolleraient” (Faire défiler un contenu sur un écran informatique) infiniment sur les réseaux sociaux, se renfermant sur eux-mêmes et souffrant de la comparaison avec leurs pairs qui mettent en scène leur quotidien sur Facebook ou Instagram. Ils n'arriveraient même plus à se séparer de leurs portables la nuit, certains chercheurs parlant de “nomophobia” – pour “no mobile phobia” –. Un problème qui n'épargne pas les adultes, mais qui touche encore plus les jeunes ayant grandi avec un téléphone dans les mains.

Et si la corrélation entre-temps passé sur son smartphone et dépression existe, la causalité reste difficile à prouver : est-ce sa consultation qui affecte la santé mentale, ou les personnes déjà fragiles qui passent plus de temps en ligne ?

Circuit de la récompense

Ce que les chercheurs commencent à pouvoir affirmer, c'est que les réseaux sociaux ont un effet sur le cerveau proche de certaines substances addictives, comme la cigarette. L'usage excessif de Facebook est associé à des changements dans le circuit de la récompense. Car, contrairement à la télévision, les réseaux sociaux offrent des “récompenses variables” : l'utilisateur ne sait jamais combien de Likes il va récolter ou sur quelles vidéos il va tomber.

D'autres chercheurs pointent l'influence négative des smartphones sur les capacités cognitives : une récente étude de l'Université du Texas montre que leur simple présence diminue la faculté à mémoriser, raisonner et résoudre de nouveaux problèmes.

Réaction de Facebook

Pendant longtemps, Facebook est resté silencieux sur ce sujet. Difficile pour lui d'admettre les dangers de ces fonctionnalités addictives, car elles sont au cœur de son business model : faire que les utilisateurs passent le maximum de temps sur sa plate-forme pour vendre le plus d'espaces publicitaires possible.

Facebook a reconnu en décembre 2017 que la consommation de contenus, quand elle est passive, peut avoir un impact négatif sur le bien-être.

Le réseau social s'est enfin décidé à réagir, en levant le voile sur les travaux d'une équipe de recherche dédiée à répondre à une question : « Est-ce que passer du temps sur les réseaux sociaux est mauvais pour nous ?

Leur conclusion. L'outil est neutre, tout dépend de son utilisation. Certes, ils admettent les effets négatifs de la consommation passive de contenus – le “scroll” sur le fil d'actualités, les clics sur des liens –. Mais les interactions avec des proches à travers des commentaires et des messages, ainsi que l'utilisation du réseau social pour se remémorer des souvenirs “améliorent le bien-être”.

Instagram veut (encore) supprimer les Likes, et Facebook suit le pas

La question de l’affichage des Likes est un sujet qui divise chez Instagram. Après avoir délaissé l’idée, le réseau social veut à nouveau l’expérimenter, cette fois avec la participation de Facebook.

Facebook et Instagram proposent désormais, en avril 2021, de cacher les mentions J'aime sur les publications. Ils se targuent de vouloir prendre soin de la santé mentale de leurs utilisateurs.

C'est la nouvelle option dont se vante Facebook : pouvoir cacher le nombre de Likes reçus sur une publication. Il sera donc possible de masquer à la fois le décompte des mentions J'aime sur vos propres publications, et sur celles qui apparaissent sur votre fil d'actualité. Mais cette mesure est-elle vraiment efficace pour lutter contre les problèmes de comparaison et de validation sociale ? Le Washington Post a interrogé plusieurs spécialistes.

Bien qu'elle trouve l'idée intéressante, Sophia Choukas-Bradley doute du réel impact sur le bien-être mental des internautes. Spécialisée dans l'étude des effets des réseaux sociaux sur les adolescents à l'université du Delaware, elle recommande de tester l'outil, mais reste sceptique sur ses véritables effets.

Jeff Hancock, directeur du Stanford Social Media Lab, approuve ce propos, mais reconnait que l'initiative est bien pensée. Il se félicite du choix qui est donné aux utilisateurs : cela semble être une façon très intelligente et simple de répondre à certaines préoccupations concernant les Likes, qui peuvent être dangereux si les gens en deviennent obsédés.

Les adolescents particulièrement vulnérables

Des études ont montré que les Likes peuvent avoir des effets très puissants, aussi bien négatifs que positifs. Les adolescents, plus sensibles à l'approbation des autres et à la validation sociale, y sont particulièrement vulnérables.

Pour Facebook, qui travaillait sur cette option depuis deux ans, c'est avant tout un moyen de donner plus de contrôle aux utilisateurs. C'est une manière de montrer qu'Instagram s'engage à s'assurer que l'utilisateur est protégé. Mais cet outil ne suffira pas à résoudre les problèmes qui peuvent affecter les utilisateurs.

D'autant que les réglages par défaut affichent toujours le nombre de J'aime, et que beaucoup ne prendront pas la peine de faire le changement. Et s'ils le font, ils pourront encore regarder le décompte des Likes en un seul clic. Pourquoi ne pas proposer aux personnes qui le souhaitent de supprimer complètement les Likes de leur expérience?

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Facebook accusé de privilégier “le profit à la sûreté”

Frances Augen
La lanceuse d'alerte, Frances Haugen, ancienne chef de produit de Facebook, auditionnée par la commission au Commerce du Sénat américain le 6 octobre 2021, accuse le réseau social de privilégier “le profit à la sûreté” et veut le forcer à revoir ses pratiques. Elle pointe notamment du doigt son algorithme et sa relation nocive aux jeunes internautes.

Des documents internes, publiés dans une série d’articles par le Wall Street Journal, sont principalement constitués de rapports de recherches, d'échanges entre salariés de Facebook, de notes internes, de présentations adressées à la direction du groupe. Tous mènent à une conclusion : Facebook a volontairement fermé les yeux sur les conséquences néfastes de ses réseaux sociaux sur le débat public et la santé mentale des utilisateurs.

L'algorithme de Facebook

Le changement d'algorithme survenu en 2018 aurait eu les effets inverses de l'objectif initial, qui était d'améliorer le bien-être des utilisateurs en misant sur les liens interpersonnels plutôt que sur la mise en avant de contenus. Selon des recherches menées en interne, ce changement a incité certains comptes – dont des partis politiques – à miser sur du contenu sensationnaliste pour susciter l'indignation et pousser les internautes à y réagir.

Dans une note interne, les chercheurs relèvent que ces publications ont gagné en puissance à la faveur du nouvel algorithme : “la désinformation, la toxicité et le contenu violent sont excessivement représentés dans les publications partagées”.

Et ce de manière parfois incontrôlable. Pour illustrer le phénomène, le Wall Street Journal s'appuie sur l'exemple de la campagne en faveur de la vaccination qu'a voulu lancer Mark Zuckerberg sur le réseau social. Dans cette entreprise, le fondateur de Facebook lui-même s'est heurté à une avalanche de publications opposées à la vaccination. L'algorithme de Facebook aurait ainsi permis à des rhétoriques complotistes de se propager sur le réseau.

En parallèle, le programme XCheck déployé par Facebook aurait permis à certaines personnalités publiques, dont le footballeur Neymar, de publier du contenu contraire aux règles du réseau social sans être censurées. Une pratique qualifiée de “non défendable publiquement” lors d'un examen interne réalisé en 2019.

Facebook accusé d'entretenir une relation nocive avec les jeunes

Inquiet de perdre en popularité auprès des jeunes, Facebook a mis au point une stratégie pour gagner en audience auprès d'eux. Celle-ci doit notamment passer par le développement d'une version d'Instagram destinée aux moins de 13 ans. Pourtant, Facebook a constaté à plusieurs reprises qu'Instagram avait des effets néfastes sur les adolescents, et plus précisément sur les adolescentes.

Frances Haugen accuse par ailleurs Facebook d'avoir dissimulé auprès de ses investisseurs et du gendarme boursier américain ses audiences réelles auprès des jeunes (2017) afin de mieux vendre du contenu publicitaire. En réalité, plus de 15 % des comptes Facebook créés par des adolescents seraient des doublons ou des faux.


Facebook a négligé la modération des comptes créés dans les pays émergents

Selon des dizaines de documents internes, des trafiquants de drogue, d'organes ou d'êtres humains s'appuient sur Facebook dans certains pays en développement.

C'est notamment le cas au Moyen-Orient, où des trafiquants utilisent le réseau social pour attirer des femmes dans des réseaux de prostitution ou de travail abusif. En Ethiopie, des groupes armés auraient également utilisé la plateforme pour publier des appels à la violence contre des minorités ethniques.

Alors que l'audience de Facebook est en pleine expansion dans ces pays, le réseau social n'est pas en capacité de modérer efficacement ces comptes. Si certains ont été fermés après avoir fait scandale, d'autres peuvent toujours publier du contenu après la suppression de certaines de leurs publications.

Facebook a concentré ses efforts de sécurité sur les marchés les plus riches, où les gouvernements et les institutions médiatiques sont puissants.

La réaction de Facebook après avoir pris connaissance de ces failles

La lanceuse d’alerte pointe du doigt l'absence de volonté de remédier à ces dysfonctionnements. “Facebook peut changer, mais ne va clairement pas le faire de lui-même”, a-t-elle lancé devant le Sénat. Une équipe a proposé dès le mois d'avril 2020 aux dirigeants de Facebook de remédier à la flambée de la désinformation et de la violence causée par l'algorithme, par exemple en cessant de renforcer la visibilité des contenus partagés à de nombreuses reprises par de longues chaînes d'utilisateurs.

Une proposition dans un premier temps refusée par Mark Zuckerberg et qui n'a commencé à être testée qu'à la fin de l'été 2021, après que le réseau social a été critiqué pour son rôle dans les émeutes du Capitole. Le réseau aurait par ailleurs cherché à minimiser publiquement les effets d'Instagram sur les adolescents, en ne rendant pas publiques les recherches concernées.
Source : Les Echos – 6 octobre 2021

Facebook annonce de nouvelles mesures de contrôle pour protéger les enfants et les adolescents

Pour tenter de freiner les critiques reçues par Frances Haugen, Facebook a annoncé le 11 octobre 2021, de nouveaux contrôles sur ses plateformes pour protéger les enfants et les adolescents.

L'entreprise mettra en place des outils pour inciter les jeunes à ne pas abuser d'Instagram ou pour les avertir qu'il n'est pas bon pour eux de voir le même contenu à plusieurs reprises.

Facebook a récemment suspendu ses plans pour développer Instagram Kids, ciblant les pré-adolescents, et il introduisait de nouvelles commandes facultatives pour les adultes afin de surveiller les adolescents.



Chaque jour, des gens du monde entier utilisent Instagram afin de partager leur expérience, pour obtenir un soutien de la communauté. Pour ceux qui luttent contre des problèmes de santé mentale, les chercheurs souhaitent qu’ils puissent accéder au réseau social quand et où ils en ont besoin. C’est pourquoi ils travaillent main dans la main avec des experts afin de donner aux utilisateurs des outils et les informations nécessaires lors de l’utilisation de l’application – comme signaler du contenu, obtenir du soutien pour un ami qui va mal et pour qui on s’inquiète, demander conseil à un professionnel lorsqu’on est dans une situation difficile –.

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