Comme tous les organes, le cerveau consomme de l’énergie et des nutriments et il produit des résidus plus ou moins toxiques issus de cette activité métabolique. Par conséquent, durant l’éveil, le cerveau accumule des déchets dus à l’activité des neurones.
Éliminer les déchets est une activité
primordiale pour assurer le bon fonctionnement d'un organe. Le cerveau, très
actif, n'y fait pas exception. Mais du fait de la barrière hémato-encéphalique
qui le protège des grosses molécules qui pourraient l'agresser, il faut
parvenir à la contourner pour se débarrasser des protéines qui pourraient
s'entasser.
Maiken Nedergaard et Jeffrey Iliff |
Des chercheurs de l’University of Rochester Medical Center – dirigés par Maiken Nedergaard et
Jeffrey Iliff – dans une étude publiée dans la revue Science
Translational Medicine en août 2012,
puis en juillet 2013 dans Science,
montrent que des cellules du
cerveau rétrécissent pendant le sommeil afin de créer des espaces – l’espace
interstitiel – entre les neurones et permettre au fluide de «laver» le cerveau.
Jusqu’alors, on pensait que le nettoyage du cerveau se faisait
exclusivement par diffusion passive du liquide céphalo-rachidien depuis les ventricules
cérébraux, un mécanisme d’évacuation très lent pour un organe aussi actif que
le cerveau.
Cette nouvelle étude apporte la
preuve que nous avons besoin d’une certaine quantité de sommeil chaque nuit,
car le cerveau se sert de cette période pour se débarrasser des sous-produits
métaboliques toxiques qui, autrement, s’y accumuleraient et perturberaient les
fonctions du cerveau, détruisant les neurones et pouvant potentiellement causer
des troubles neuro-dégénératifs.
L’équipe de chercheurs pense que ce
système d’élimination des déchets est l’une des raisons fondamentales du
sommeil. Ils suggèrent notamment qu’un défaut dans ce
système, qui empêcherait de balayer certaines protéines toxiques, peut jouer un
rôle dans les troubles du cerveau. Cette étude laisse croire que le «ménage»
peut être une des raisons principales dans le rôle du sommeil.
Les chercheurs ont eu recours à une technique récente, appelée microscopie
à 2 photons, qui permet de visualiser en temps réel les flux de sang et du liquide
céphalo-rachidien dans le cerveau d’un animal vivant.
Canal 'glymphatique' entourant une artère cérébrale. Le liquide céphalo-rachidien (en vert) circule dans un canal glymphatique entourant la paroi d'une artère cérébrale |
Cette étude complète les connaissances sur le cerveau, essentiellement
sur la raison physique et chimique réelle de sommeil, et le rôle de l’espace interstitiel. Sur le mécanisme
et les conditions qui conduisent à la perte de cellules du cerveau ; comme
dans le cas de la Maladie d’Alzheimer ou la Maladie de Parkinson, qui se
caractérisent par l’accumulation de protéines endommagées dans le cerveau.
On peut s’étonner qu’un système aussi fondamental pour le bon
fonctionnement cérébral ait pu jusque-là échapper à la sagacité des chercheurs.
La principale raison est que ce système glymphatique ne fonctionne que dans un
cerveau vivant et uniquement lorsqu’il est intact : il était impossible de
l’observer sur des cerveaux prélevés post-mortem
et les procédés de visualisation disponibles ne permettaient pas jusqu’à peu de
le détecter chez des sujets vivants.
Le système Glymphatique :
Le "tout-à-l’égout" du cerveau
Dans l'organisme, le système lymphatique est le système responsable de
l'élimination des déchets cellulaires. Un liquide appelé lymphe baigne les
cellules et les tissus du corps, recueille les déchets cellulaires et les décharges
dans la circulation sanguine pour être filtrés par le corps. Cependant, le système lymphatique ne comprend pas le
cerveau. Il a son propre écosystème interne et il est entouré par la barrière
hémato-encéphalique, qui contrôle ce qui entre et sort de l’organe. Ces
caractéristiques sont longtemps restées une énigme pour les scientifiques.
Le système glymphatique est constitué de cellules gliales en forme
d’étoile appelées astrocytes, qui forment un réseau de canaux d’eau entourant
les vaisseaux sanguins du cerveau.
Les cellules gliales qui maintiennent les cellules nerveuses en vie,
rétrécissent pendant le sommeil. Cela augmente la taille de ce que l’on nomme
«l’espace interstitiel», des écarts entre les tissus du cerveau, ce qui permet
plus de fluidité pour un lavage des toxines. Les chercheurs indiquent que
cette fonction est vitale pour rester en vie, et qu’elle ne semble pas être
possible alors que l’esprit est éveillé. L’équipe ne sait pas très bien
pourquoi l’espace augmente pendant le sommeil, mais ils théorisent que les
cellules du cerveau se rétrécissent.
Le liquide céphalo-rachidien par un processus de diffusion, conduit les déchets et les nutriments aux tissus du cerveau |
Le liquide céphalo-rachidien (LCR) circule dans le cerveau le long des
canaux qui entourent les artères. Le liquide “nettoie” ensuite en passant à
travers les tissus du cerveau et se mélange avec le liquide interstitiel rempli
de déchets qui entoure les cellules du cerveau. Enfin, le LCR s’accumule dans
les canaux à travers les veines et il est évacué du cerveau, emportant avec lui
les déchets métaboliques.
En pompant le liquide céphalorachidien à travers les tissus du cerveau,
le système glymphatique évacue les déchets, à partir du cerveau et
les renvoie dans le système circulatoire du corps. De là, les déchets
atteignent le foie, où ils sont finalement éliminés.
Le cerveau ne dispose que d’une énergie limitée à sa disposition et il
doit choisir entre deux états fonctionnels différents, soit éveillé et
conscient ou endormi et en phase de nettoyage.
Les conclusions des chercheurs s’appuient sur la découverte de ce
réseau du cerveau spécifique, qui transporte les déchets sur le cerveau – sorte
de tout-à-l’égout du cerveau.
Selon les chercheurs le système glymphatique est non seulement plus
rapide, mais il permet également d’atteindre des zones plus reculées du tissu
cérébral. Étant donné l’intense
métabolisme du cerveau et son extrême sensibilité, il n’est pas étonnant que
son mécanisme d’évacuation des déchets soit plus spécialisé et étendu que ce
que l’on pensait auparavant.
La barrière hémato-encéphalique – Un complexe dispositif de défense
La barrière hémato-encéphalique est une barrière anatomique qui filtre
et contrôle le passage des substances sanguines et les empêche de passer
librement du sang au liquide céphalo-rachidien.
Elle est constituée d’une paroi vasculaire continue entourée de
prolongements de cellules gliales astrocytaires qui s’y arriment pour former
une enveloppe supplémentaire. Ces deux parois, vasculaire et gliale, exercent
une fonction de sélection et assurent le tri des substances admises dans le
parenchyme cérébral. Très étanche, cette barrière est constituée de cellules
jointives soudées les unes aux autres.
Dans les méninges, ces barrières présentent des espaces très minces qui
permettent à de très petites molécules de s’infiltrer. Habituellement, les
protéines de taille normale ne passent pas à travers ces deux barrières, sauf
lors d’une inflammation, où ces jointures entre les cellules s’élargissent.
Cependant, même aujourd'hui c’est relativement peu ce que l’on sait sur
la barrière hémato-encéphalique. Depuis les découvertes de Lewandowsky et des
bactériologistes Ehrlich et Goldmann pendant la première décennie du XXe
siècle, ce se sont encore écoulé six décennies jusqu'à ce que la situation
exacte de la barrière fût localisée – dans les cellules capillaires endothéliales – grâce au microscope électronique.
Une nouvelle voie contre les maladies neuro-dégénératives
Bien que leur étude porte sur des cerveaux de souris, les auteurs
pensent qu’un système identique existe chez l’homme dont le cerveau est très
proche de celui du petit rongeur, du moins sur le plan physiologique. Cette
découverte pourrait avoir d’importantes applications thérapeutiques, notamment
dans le traitement des pathologies neuro-dégénératives, telles les maladies
d’Alzheimer ou de Parkinson. La maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neuro-dégénératives
sont associées non seulement à l’accumulation de ses déchets, mais aussi au
manque de sommeil.
Plaques amyloïdes |
Les chercheurs ont ainsi constaté que plus de la moitié des agrégats de
bêta-amyloide – une protéine qui s’accumule dans le cerveau des patients
souffrant d’Alzheimer – sont éliminés via le système glymphatique. Si le système glymphatique ne parvient plus
à nettoyer le cerveau comme il devrait le faire, soit en raison du
vieillissement, soit suite à un traumatisme, les déchets vont s’accumuler dans
le cerveau. Augmenter
l’activité du système glymphatique permettrait probablement de prévenir
l’accumulation des dépôts amyloïdes, voire offrirait un moyen de liquider les
agrégats accumulés lorsque la maladie d’Alzheimer est déjà établie.
Protéine bêta-amyloïde
Ces protéines s’amoncellent dans le
cas de la maladie d’Alzheimer et contribuent à la mort des neurones. En phase
de sommeil, leur élimination est deux fois plus rapide que durant l’éveil.
Les chercheurs ont injecté la bêta-amyloïde dans le cerveau de souris
saines et de souris génétiquement modifiées pour désactiver leur système
glymphatique. Alors que les souris normales sont capables d’éliminer rapidement
la protéine de leur tissu cérébral, les souris privées de système glymphatique
mettent beaucoup plus de temps.
La protéine bêta-amyloïde, dont on voit la structure tridimensionnelle, s'accumule dans les cerveaux des patients atteints de la maladie d'Alzheimer |
Cela pourrait expliquer pourquoi de
nombreux troubles neurologiques sont associés à des troubles du sommeil. Un déficit
de repos pourrait directement être impliqué, en facilitant l’accumulation de
protéines nocives, comme les bêta-amyloïdes, mais également l’alpha-synucléine,
impliquée quant à elle dans la maladie de Parkinson.
D’autres questions interpellent les
chercheurs. D’abord, ils pensent que ce lavage du cerveau contribue à la récupération.
Mais dans quelle mesure l’accumulation des résidus du métabolisme
intervient-elle dans la sensation de fatigue ? D’autre part, comment les
canaux des cellules gliales changent-ils de conformation durant le sommeil ?
Si les chercheurs semblent avoir décrit l’une des fonctions du sommeil, il se
pourrait sûrement que celle-ci ne soit pas la seule. L’enquête est donc bien
loin d’être terminée.
Ainsi, augmenter l’activité du système glymphatique pourrait aider à
prévenir les dépôts amyloïdes, concluent les auteurs qui espèrent que leurs
résultats auront des implications pour de nombreuses maladies neurologiques, de
l’Alzheimer ou Parkinson aux accidents vasculaires cérébraux.
Dormir permet au cerveau de se nettoyer
Si l’on sait précisément en quoi il
est utile que le cœur batte ou quels avantages procure la respiration, le rôle
du sommeil reste bien plus difficile à définir. On l’associe à la récupération,
mais également au renforcement de la mémoire de la journée ainsi qu’à la
régulation du métabolisme du système immunitaire. Pourtant, sa fonction est
cruciale. Car des insectes aux mammifères, en n'oubliant pas les autres espèces
animales, tout le monde ou presque dort. Les hommes passent entre un quart et
un tiers de leur vie à se reposer. Il a été démontré que
le sommeil joue un rôle essentiel dans la fixation des souvenirs et de
l’apprentissage dans le cerveau.
Le cerveau pèse environ 1 400 des grammes. Il consomme autour de 300
kilocalories par jour. C'est un organe complexe. Il fonctionne comme le moteur
du corps, mais la routine, le stress quotidien, la mauvaise alimentation, la
vie sédentaire et le manque de bonnes habitudes de sommeil peuvent l'affecter
peu à peu. Pendant son fonctionnement quotidien il génère des symptômes en
chaîne : des céphalées ou des douleurs à la tête, au cou et au dos, une
vision trouble, de bourdonnements, du mal au cœur, de l’anxiété et même une
dépression. Pour un fonctionnement correct, les parois des artères doivent
être totalement libres des substances qui empêchent une bonne circulation
cérébrale. Ces obstacles sont les toxines. L'une d'elles, la prostanglandine provoque une inflammation des
artères.
Plusieurs stimuli peuvent générer cette intoxication: des impulsions
visuelles, le fait de passer beaucoup de temps en face d'un ordinateur;
auditifs, le bruit de la circulation véhiculaire, l'utilisation d'écouteurs à
un volume trop fort; olfactifs, de très fortes odeurs comme l’essence ou d’autres
produits chimiques; et les stimuli gustatifs, consommation excessive de
nourriture transformée ou de produits en boîte et surgelés.
Le simple fait de bien dormir aide à éliminer toutes ces ordures
cérébrales tel qu’il a été révélé dans l'investigation de Rochester. Grâce à
l’analyse par imagerie réalisée sur les cerveaux de souris, les résultats ont
montré que pendant le sommeil le système
glymphatique est devenu dix fois plus actif que pendant l'état de
veille. Simultanément, la taille des cellules du cerveau est réduite d'environ
60 per cent. Cela crée plus d'espace entre les cellules, donnant d'accès au
liquide céphalo-rachidien pour éliminer les déchets et toxiques.
Comme un concierge balayant les couloirs quand la lumière s'éteint,
dans le cerveau se produisent pendant le sommeil de grands changements lui
permettant d'expulser les ordures et d'éloigner la maladie. Jusqu'à présent on
n'avait pas un bien compris que le sommeil répond à une fonction essentielle et
vitale de l'évolution.
Les chercheurs se demandèrent s’il y
avait des différences entre le sommeil et l’éveil dans le système glymphatique.
Évacuer les toxines peut être difficile, voire inefficace si le cerveau reçoit
des informations sensorielles et autres.
Le flux du liquide
céphalo-rachidien et la taille de
l’espace interstitiel augmentent pendant le sommeil, mais pour savoir si le
cerveau est capable d’éliminer davantage de déchets, ils ont injecté la protéine
bêta-amyloïde dans le cerveau en sommeil et à l’éveil des souris. Le système
glymphatique a évacué les déchets deux fois plus vite dans les cerveaux en
sommeil qu’en état d’éveil.
Pendant l’éveil le cerveau est stimulé
et actif après la libération d’un composé organique appelé noradrénaline. Ce
neurotransmetteur n’est pas très actif pendant le sommeil, mais il est libéré
lorsque le cerveau a besoin d’être vigilant, par exemple, face à la peur et à
d’autres stimuli externes. Les chercheurs suggèrent que la noradrénaline
pourrait jouer un rôle dans la régulation des écarts entre les cellules du
cerveau.
Toute la physiologie change durant le
sommeil. La nouveauté c'est le rôle de l'espace interstitiel mais ce n'est qu'une
nouvelle pièce du puzzle, pas tout le mécanisme. Cela montre une fois de plus
que le sommeil peut contribuer à la restauration de la fonction des cellules du
cerveau et peut avoir des effets protecteurs.
Cette découverte pourrait faire avancer la compréhension des fonctions
biologiques du sommeil, expliquerait pour quoi nous passons un tiers de nos
vies à dormir et pourrait permettre de trouver des traitements contre des
maladies neurologiques.
Un dysfonctionnement dans le système de nettoyage serait lié au
processus neuro-dégénératif
Une étude de l’Université autonome de Barcelone et de l’Université
Ludwig Maximilian de Munich, publiée dans
la revue Science Translational Medicine
en juillet 2014, décrit le mécanisme moléculaire par lequel les formes mutées
de la protéine TREM2 empêchent le processus de nettoyage des déchets.
Il s’agit de la protéine TREM2 dont les niveaux réduits sont associés au
risque maladies neuro-dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou
d’autres formes de démence.
Le gène TREM2 est exprimé principalement dans les cellules cérébrales
macrophages ou en charge de la phagocytose et de l’élimination des déchets
cellulaires, les cellules micro-gliales. Parmi les déchets à éliminer se
trouvent les agrégats de protéines et de fibres amyloïdes spécifiques de la
maladie d’Alzheimer.
Les résultats suggèrent que la protéine TREM2 joue un rôle fondamental
dans l’élimination des amyloïdes et des autres agrégats de protéines et que son
dysfonctionnement accélère les processus neuro-dégénératifs.
Ne pas dormir détruirait les neurones
Une étude de l’École de médecine de l’université de Pennsylvanie et de l'université
de Pékin publiée par le Journal of
Neuroscience en mars 2014, révèle que le manque de sommeil pourrait avoir
comme conséquence la perte de neurones.
Selon les chercheurs, c’est la
première fois que l'on prouve que le manque de sommeil peut conduire à une
perte de cellules du cerveau. Il s’agit des neurones locus cœuruleus. Leur disparition accélèrerait
le développement de maladies comme Alzheimer ou Parkinson.
Le manque de sommeil sur une durée
prolongée est lié aux dommages, ou à la perte, de ces neurones essentiels pour
la vivacité et pour des capacités cognitives optimales.
Cette nouvelle étude montre des
preuves inquiétantes que la perte de sommeil chronique pourrait être plus
sérieuse que ce que l’on pouvait croire jusqu’alors, et pourrait même conduire
à des dommages physiques irréversibles et une perte de neurones.
Presque toutes les pathologies neuro-dégénératives sont liées à une accumulation de déchets cellulaires.
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Très intéressant !! En particulier sur le sommeil qui crée plus d`espace dans les régions interstitiel !!
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