Une hormone osseuse se lie aux neurones pour
diminuer l'anxiété
et la dépression et améliorer l'apprentissage et la mémoire
L'os est un tissu vivant qui se
renouvelle constamment. Deux types de cellules sont impliqués dans le
remodelage : les ostéoclastes se débarrassent du vieil os et les ostéoblastes
le remplacent par de nouveaux tissus. De nombreux facteurs peuvent affecter ce
processus continu de remodelage et rendre les os moins denses et plus fragiles ;
parmi eux, l'âge avancé, le manque d'exposition au soleil (essentiel pour la
production de vitamine D, qui aide à fixer le calcium), une alimentation pauvre
en calcium ou riche en sodium (qui augmente la perte de calcium du corps par l’urine),
le tabac ou le manque d'exercice.
Le squelette se comporte comme un
organe endocrinien capable de réguler la glycémie, la dépense énergétique ou la
fertilité masculine. Il le fait au moyen d'une hormone appelée ostéocalcine,
produite par les cellules osseuses.
Cette même hormone est décisive
pour le développement du cerveau pendant la grossesse et plus tard pour
certaines de ses fonctions importantes, telles que la mémoire et
l'apprentissage.
Une recherche menée par Gerard
Karsenty du Columbia University Medical Center à New York et publiée dans Cell en septembre 2013, montre que cette
hormone est essentielle au développement embryonnaire pour que l'hippocampe,
siège de l'apprentissage et de la mémoire, acquière une taille adéquate.
Avant que l'embryon ne puisse la
synthétiser, l'ostéocalcine maternelle traverse le placenta et empêche la mort
neuronale chez le fœtus.
Après la naissance, l'ostéocalcine, maintenant produite par
le squelette du nouveau-né, reste décisive. Capable de traverser la barrière
hémato-encéphalique qui isole le cerveau, elle se relie aux neurones du tronc
cérébral, du mésencéphale et de l'hippocampe et produit des changements dans la
chimie du cerveau, régulant la production de neurotransmetteurs, ce qui influence
les niveaux d'anxiété et dépression, ainsi que la mémoire et l'apprentissage.
L'étude a initialement cherché
une relation entre les hormones générées dans les tissus osseux et celles
produites dans les ovaires (œstrogènes). À la stupéfaction des chercheurs,
leurs expériences avec des souris transgéniques n'ont pas donné de résultats
dans le cas des femelles, comme elles le prétendaient au début, mais dans le
cas des mâles.
Les souris mâles dont les
mutations produisaient plus d'ostéocalcine avaient plus de progéniture – et les
petits étaient d'une taille légèrement plus grande – après l'accouplement avec
des femelles normales. Au contraire, les mâles qui avaient génétiquement inhibée
la production de l'hormone montraient plus des difficultés à féconder les femelles.
Ils ont découvert que les os
contrôlent la reproduction, mais seulement chez les mâles. Chez les femmes, la
relation qui est connue est le contraire, l'œstrogène affecte les os.
Dans une étude précédente (2010),
l'équipe de Gerard Karsenty avait montré que le cerveau est un puissant
inhibiteur de l'accumulation de masse osseuse. La question a été soulevée si
l'os a également envoyé des signaux au cerveau pour limiter cette influence
négative. Et si c'était le cas, quels signaux utilise t-il et comment
fonctionnent-ils ? Une maladie osseuse rare, appelée dysplasie
cleidocranienne, a rendu ce doute raisonnable. Cette pathologie qui affecte la
clavicule et les os du crâne est souvent accompagnée de déficits cognitifs et
est liée à une mutation dans un gène régulateur de l'ostéocalcine.
Pendant la grossesse, l'ostéocalcine de la mère traverse le placenta et
favorise la formation
de
l'hippocampe et le développement de la mémoire et de l'apprentissage spatial chez l'embryon.
Après la naissance (à droite) l'hormone agit
sur le cerveau et produit des changements
dans le niveau des
neurotransmetteurs, ce qui aide à prévenir l'anxiété et la dépression.
La majeure partie de cette
hormone est incorporée dans l'os, mais de petites quantités sont libérées dans
le sang et peuvent agir sur d'autres organes, tels que le pancréas, augmentant
la concentration d'insuline.
Pour déterminer si cela
fonctionnait également dans le cerveau, Karsenty et son équipe ont travaillé
avec des souris génétiquement modifiées pour ne pas produire cette hormone. Ils
ont démontré que l'ostéocalcine traverse la barrière hémato-encéphalique et se
lie aux neurones du tronc cérébral, du mésencéphale et de l'hippocampe. Ils ont
également vu qu'elle favorise la naissance de nouveaux neurones et augmente la
synthèse de plusieurs neurotransmetteurs, y compris la sérotonine, la dopamine
et d'autres catécholamines. Ils ont également vu que les souris sans
ostécocalcine avaient un hippocampe anormalement petit.
Ils ont pu également vérifier
comment l'action de cette hormone osseuse sur les neurotransmetteurs dans le
cerveau se reflète dans le comportement des rongeurs. Les souris dépourvues
d'ostéocalcine présentaient des niveaux plus élevés d'anxiété et de dépression
que les souris normales. Ils avaient aussi des problèmes d'apprentissage et de
mémoire.
Ces changements, signalent les
chercheurs, rappellent ceux qui se produisent pendant le vieillissement et
pourraient être dus à la diminution de l'ostéocalcine avec l'âge. Une nouvelle
approche qui pourrait fournir de nouveaux indices pour contrer les effets
négatifs du vieillissement sur les capacités cognitives, telles que la perte de
mémoire.
L'ostéocalcine agit avant la naissance
Lorsque les souris sans
calcitonine ont reçu cette hormone, leur anxiété et leur dépression se sont
normalisées, mais étonnamment, cela n'a eu aucun effet sur les problèmes
d'apprentissage et de mémoire, ni sur la taille de l'hippocampe. De nouvelles
expériences ont montré que cette hormone agit avant la naissance. Pendant la
grossesse, la calcitonine de la mère traverse le placenta et atteint le fœtus
pour diminuer la mort cellulaire et ainsi favoriser le bon développement de
l'hippocampe.
Le squelette maternel influence la formation de l'hippocampe, siège de la mémoire et de l'apprentissage |
Cette découverte chez la souris expliquerait
pourquoi les mères ayant des problèmes nutritionnels ont plus fréquemment des
bébés avec des troubles métaboliques et psychiatriques. La malnutrition diminue
l'activité des cellules osseuses. En conséquence, les mères souffrant de
malnutrition ont une masse osseuse faible, ce qui affecte la production
d'ostéocalcine. Cela a une pertinence clinique même aujourd'hui, dans les pays
en développement, où la malnutrition maternelle est encore courante.
Il existe une relation étroite entre le mouvement, le cerveau, les muscles, les os et les
neurotransmetteurs
Voir aussi…
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